1955-1956 : Pourim à Constantine en Algérie encore Française… à Pourim 2013
1955-1956 : Pourim à Constantine en Algérie encore Française… à Pourim 2013
Par Yoav (Jean-Claude) Dror
Feu de Camp avec Rolland et les Générations EI…futurs cadres et pères de Famille
Pour moi c’était la «scène aux E.I.» avec en premiers plans, Ésther, HA’Hasverosh (Assuérus), Amann Ha’Racha (Amann le méchant) et Mordechay Ha’Yéhoudi.
Mes sœurs et ma mère confectionnaient avec tout juste quatre bouts de tissus, du carton, quelques brillants, ces « costumes » traditionnels de Pourim qui pour nous semblaient être les plus beaux du monde. C’était la fête dans une ambiance parfaite.
Sur le chemin qui menait de la rue Caraman, traversant la Rue de France, vers le Palais de Justice, j’entendais dans les cafés et cours de maison le son des «douadésh» (dès du sort) qui roulaient et claquaient, les pièces de monnaie qui passait de mains en mains. Cela faisait partie intégrale de cette toile amusante, bruyante, joyeuse et coloriée de Pourim à Constantine. Quelle insouciance et quel bonheur. On se contentait d’un rien, bien que richissimes en histoire et traditions.
Encore jeunes louveteaux, aux côtés des Éclaireurs et Routiers plus âgés, nous nous empressions de nous rendre dans ces locaux aux murs décorés avec des nœuds coulants, brelages de toutes sortes, herbiers, Tables de la Loi, Le texte de la Promesse avec ces deux lions des deux côtés, l’insigne et le foulard….
Chacun emmenant avec lui son paquet riche et varié, en »Makrouds » préparés cuits et cachés au moins un mois auparavant, sortant ces jours de fête, de l’ombre des sommiers. Ils avaient cette forme de losanges faits de semoule enrobant de la pâte de date et teintées de miel, et des « Couronnes Plates » avec cette crème soit blanche, rose ou bleuâtre décorées de boules dorées-argent. que nous croquions à pleines dents de jeunes lou…veteaux…. ou alors- (j’en raffolai)- ces « Knedlettes » moulées avec de la pâte d’amandes.
Je me revois imiter. moi aussi comme mes anciens, le Roi de Suze avec une bouteille de vin à la main, titubant et chantant… »
Quand le Roi le Roi de Suze
Boit du vin pur et s’amuse..
boit du vin pur et s’amuse Assuérus
Il enlève sa couronne et a qui la veut la donne a qui la veut la donne Assuerus
Et là !!! mes petites « fiancées » de 9-10 ans, elles, voulaient toutes être la Reine d’Esther et tous les prétendants Mordechay Ha’ Yehoudi…et on se prenait au sérieux !!!
Fallait prendre une décision et déposer la Couronne sur l’une d’entre elle…Quelle naïveté et quelle innocence de gosses…Le cœur y était.
Je revois Raksha, (Viviane Bakouche) notre Grande Cheftaine heureuse des résultats d’une préparation d’un mois, souriante à pleines dents, toussotant et explosant de rires…
Vers la fin de l’après-midi, c’était le grand «show»…les combats de Judo et démonstrations données par «Pidou» (jusqu’à présent je ne connais pas son véritable nom, et «Pierrot mon Cousin» sur les planches « hard » du local, entreposées quelques heures auparavant. Quelle fierté ces «défenseurs Juifs » qu’on espéraient imiter nous aussi un de ces jours…
Rolland (Bélier), Girafe (Adolphe Aïnouz) et Boulette (Georges Fhal) étaient de la fête bienveillants et surveillant que tout se passe dans les règles de l’art et la bonne ambiance.
Lorsque cela se passait au Théâtre de Constantine, c’était déjà autre chose…les parents y étaient conviés, les mères sortaient leurs manteaux de fausse fourrure et se coiffaient à la «mistinguette» après s’être maquillées les yeux au crayon noir et dépilée les pieds avec cette pâte de date chaude collante sur leurs pieds, préparée par la « bonne »… Fat’ma…
C’était pour nos parents une « occasion de sortir », de rencontrer du « grand monde » et d’échanger des nouvelles de famille et surtout d’exprimer leur fierté quant aux performances de leurs enfants, nièces et neveux…
Le soir à la maison toute la famille se réunissait. Mon Père achetait à la pâtisserie du Poussin Bleu ces gâteaux aux mille feuilles, figues et religieuses qui venaient s’ajouter sur une table déjà bien garnie. Tradition oblige. Nous enfants assis par terre nous essayons encore de récolter quelques sous avec des 6-6- ou 6-5, 5-5- ou 3-3..Puis arrivait notre frère Aîné, Rolland qui « ouvrait » la grande partie de dès sur un plateau de cuivre. Cris joyeux, rires et sourires, tensions artérielles, feintes et coups de cœur et de chance… puis à la fin de la partie…. il soulevait le plateau rempli de pièces de monnaie et de billets, balançait le tout en l’air au plafond, toutes les sommes du plateau magique, à la joie et au désarroi des gagnants et perdants Son message : «L’argent n’a pas de valeur » …
Cela se passait dans les années 1955-1956….Pourim à Constantine dans une Algérie encore Française….Souvenirs d’enfance….Rolland 20 ans déjà se sont écoulés!
Pourim 2013
…Rolland me manque…Disparu il aura 20 ans depuis Pourim 1993..
C’était ma dernière année de service après 5 ans en mission en France
Mon imagination essaie de retracer une période, qui en grande partie m’est inconnue. Je me pose souvent cette question au sujet de Rolland mon Frère Aine adore (zal):
A-t-il dormi chez le Grand Père Baba Zézé, comme mes petits enfants le font avec moi de nos jours?
A-t-il été a « l’Ecole de Rebi Yossef ou Charbit, ou Daniel »?
De qui as-t-il pris ces qualités exemplaires de dévouement, de passion sioniste, de vouloir faire bouger des montagnes s’il l fallait et d’éduquer des générations de jeunes dans l’amour du prochain et l’entraide mutuelle?
Une chose est certaine c’est que dans ces temps tragiques des années 1941 lorsqu’il avait 14 ans, exclu des écoles par loi Pétainiste, il devait rêver de combler ce « manque » qui était celui de n’avoir pu suivre le chemin des études normalement, en toute sérénité, sans se préoccuper du contexte de sécurité, politique, période de guerre (1939-1945). Il devait comme tous les ainés de cette génération faire face, jeune adolescent et jeune homme, aux difficultés familiales et problèmes affectueux de notre propre proche famille? Véritable autodidacte, il « se fera de ses 10 doigts » guides par une intelligence innée (« self-hochma»), hyperdoué et poète en liberté, avec en tout et pour tout un certificat qui de nos jours équivaudrait peut-être un CAP, il va grimpe les échelons de l’administration Française des PTT. Mais ce qu’il va laisser a la Communauté Juive de Constantine et de Marseille restera gravée dans les mémoires de chacun/(e)s. Il vibrait à chaque fois que l’on prononçait ou entendait le mot « ISRAEL ». Son amour inconditionnel pour la sauvegarde de la Communauté Juive était en parfaite cohésion avec son amour d’Israël. Le Sionisme éclairait sa voie, était son état d’être. Ses traditions et son Judaïsme, sa famille, parents, soeurs et frères, tantes et oncles, nièces et neveux, sa femme (ma belle-soeur Claire) et ses enfants étant pour lui la source de laquelle il puisait ses forces mentales et physiques. Il va nous laisser des valeurs: celles d’une volonté d’acier inébranlable, de combativité contre le mal, l’ignorance et l’égoïsme, un respect d’autrui et l’amour du prochain, le reflexe automatique de l’entraide, le dévouement, l’amour familial, une grande ouverture d’esprit et de cœur…»
Je l’ai vu au 40eme des EI en Lozère, je venais d’Israël en France pour une courte période. Déchainé sous des pluies torrentielles, et une région de France totalement, i n n o n d é e !!! il devait avoir entre 45 ans et 47 ans, avec un sens extraordinaire de l’organisation , courant a droite et à gauche, trempé jusqu’aux os, le visage souriant malgré tout, non pas de peur, mais d’espoir et de courage, évacuant des centaines de jeunes scouts…Je lui dis: »..Rolland, si t’était en Israël, a Tsahal, t’aurais pu être le Commandant de la Division 35 des Paras »… Il en était fier et en avait rêver plus d’une fois… Le courant de la vie et le destin ont eu le dessus et l’ont voulu autrement…
Voila, Frère Ainé, je t’écris ces quelques lignes avec beaucoup de fierté.
Yoav (Jean-Claude) Dror
Commentaires (1)
- 1. | 12/02/2018
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Date de dernière mise à jour : 23/03/2016