Operation TORCH, la victoire oubliée
par Georges Bosc (extraits)
Les préliminaires
A Washington et Londres
Le 7 décembre 1941, en attaquant par surprise la flotte américaine du Pacifique au mouillage dans les eaux de Pearl Harbor, le Japon provoquait l'entrée en scène des Etats Unis dans la deuxième guerre mondiale.
Si le choc est brutal, la riposte sera cinglante. Trop longtemps indécis, l'opinion populaire et le Congrès stigmatisent l'agression, la nation unanime bascule dans la belligérance. Le président Roosevelt a désormais les mains libres, l'Amérique est prête, elle saura faire face.
Pour la Grande-Bretagne isolée, qui poursuit la lutte face à l'Axe depuis le renoncement partiel et transitoire de la France, le 22 juin 1940, Pearl Harbor constitue « le désastre le plus heureux de la guerre ». Il en va de même pour l'U.R.S.S., engagée dans le conflit, le 22 juin 1941, à la suite de l'opération « Barbarossa », qui ploie sous la violence de l'offensive allemande.
Le décor est planté, tous les protagonistes sont en place. Au bloc totalitaire germano-italo-japonais s'oppose désormais l'alliance tripartite anglo-américano-soviétique dite du « Monde libre ». Le drame va se jouer, il a pour théâtre la planète.
Dès le 22 décembre 1941, en vertu de la « Charte de l'Atlantique », signée le 14 août de la même année, qui fait de Londres l'allié prioritaire de Washington, le premier ministre britannique Winston Churchill se rend à la Maison Blanche pour participer à la conférence « Arcadia ». Inaugurant un cycle de rencontres au sommet qui décideront à la fois du sort des armes et du destin géopolitique des nations, « Arcadia » se place sous le signe de « Germany first » et se propose de jeter les bases d'une stratégie alliée coordonnée au niveau mondial, selon un calendrier opérationnel aussi réaliste que possible. Son ordre du jour consacre une large part à la situation de l'empire français qui, aux termes de la convention d'armistice, demeure sous la souveraineté du gouvernement de Vichy tout en échappant à l'occupation ennemie. C'est l'occasion pour Churchill de dévoiler le plan « Gymnast » donnant priorité à l'invasion de l'Afrique du Nord française ; sa proposition est approuvée*. Hélas ! une controverse d'experts, avivée par les exigences d'une U.R.S.S. en plein désarroi, entraîne le contre-projet d'un second front européen et vient différer la décision de sept mois. Les stratèges américains et britanniques s'opposent, les premiers donnant la préférence à une opération de moyenne ampleur, « Sledgehammer », prévue en septembre 1942 sur le Cotentin, suivie en 1943 d'un débarquement de grande envergure, « Boléro », sur les côtes de la Manche. D'autres plans tout aussi discutables concernant notamment les Balkans et la Norvège sont tour à tour avancés et, dans le camp anglais, la contestation devient telle que le général Marshall, chef d'état-major de l'armée américaine, menace de renverser la vapeur et de reporter tous les efforts sur le Pacifique où le général Mac Arthur se fait pressant.
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(9) L'opportunité d'une intervention militaire en Afrique du Nord avait déjà été évoquée le 14 août 1941, entre Roosevelt et Churchill, lors de la ratification de la « Charte de l'Atlantique » à Argentia.
(Le président des Etats-Unis Franklin D. Roosevelt, en conférence
avec le premier ministre britannique, Sir Winston Churchill.)
Finalement, l'intervention de Roosevelt permet de dénouer la crise et de préserver l'alliance. Les commandements militaires anglo-américains en conférence à Londres adoptent le 25 juillet 1942, le projet « Super-Gymnast » que le président des Etats-Unis entérine sur le champ sous le nom de code définitif d'opération « Torch » suggéré par Churchill. Il était temps. Trois mois et demi plus tard, le plan d'invasion de l'Afrique du Nord sera matérialisé cette fois en un temps record. Il débouchera, le 8 novembre 1942, sur la première grande opération interarmes alliée de la deuxième guerre mondiale. Sa mise au point, laborieuse quant à la discussion, confirmera le bien-fondé de la stratégie initiale d'encerclement, « Round up », prônée à la conférence « Arcadia », de préférence à une attaque frontale sur l'Europe. Son succès couronnera la lucidité de ses concepteurs attachés à contrebalancer, par une démonstration aussi spectaculaire qu'économe en vies humaines, l'effet psychologique des grandes victoires allemandes de l'époque.
Pour Hitler, la victoire passait aussi par l'Afrique. C'était le tremplin idéal pour d'autres conquêtes, le contrôle de la Méditerranée, la maîtrise de Suez et la mainmise sur le pétrole du Moyen-Orient. Conforté par la neutralité bienveillante de Franco et celle supposée de la France en Afrique du Nord, il envoie Rommel et l'« Afrika Korps » en renfort du corps expéditionnaire italien, dès février 1941, et bouscule les Britanniques dans les déserts de Libye et d'Egypte. Puis, le front se stabilise. Le génie tactique des Alliés consistera à lancer en Egypte une offensive de grande envergure deux semaines avant l'opération « Torch ». Montgomery et la VIIIe Armée attaquent à El Alamein le 23 octobre 1942 ; le 4 novembre, l'« Afrika Korps » bat en retraite. Dans le même temps, l'immense armada anglo-américaine pénètre en Méditerranée. L'ennemi croit à des renforts destinés à Malte et à Montgomery. Le 8 novembre, il apprend le débarquement allié sur la côte algéro-marocaine ; l'effet de surprise est total. Brusquement, l'équilibre stratégique mondial bascule ; c'est la « bissectrice de la guerre ». Moscou est soulagé, les Alliés entrevoient la victoire. Pour la France, c'est le « premier jour de la libération » et le retour sur le chemin de l'honneur.
En Afrique du Nord
Dès le lendemain de la signature de l'armistice, le 23 juin 1940, le général Noguès télégraphiait à Bordeaux au général Weygand, exprimant l'avis qu'il était « possible de continuer la lutte en Afrique du Nord ». Il ne fut pas suivi, mais nombre de militaires et de civils patriotes demeurèrent convaincus que, tôt ou tard, la « carte africaine », qui faisait partie du jeu stratégique mondial, serait abattue par les Alliés et qu'il importait de se tenir prêt.
Après Rethondes, l'Armée d'Afrique doit être réduite à 30 000 hommes. Les négociations entamées à la suite de l'agression anglaise de Mers el-Kébir permettent de porter les effectifs à 127 000 hommes auxquels s'ajoutent progressivement 60 000 hommes habilement camouflés. Outre la dotation officielle, un important armement et des stocks de munitions appréciables sont dissimulés dans des arsenaux clandestins. Comparativement au potentiel global de l'armée française, un nombre respectable de chars, pièces d'artillerie, avions et navires sont mis à l'abri, notamment ces deux fleurons de la flotte que représentent les cuirassés « Richelieu » et « Jean Bart ».
Partout l'ordre règne. Chez les militaires, le moral demeure élevé et l'esprit de revanche prévaut largement. Hélas ! la fatale bévue de Churchill lançant la « Royal Navy » à l'attaque de l'escadre française dans les ports de Mers el-Kébir et Dakar déclenche un sentiment d'anglophobie très préjudiciable. En corollaire, le prestige du général de Gaulle est profondément atteint. Chez les civils, l'espoir persiste ; on se montre patriote, majoritairement favorable au maréchal Pétain et antiallemand. Dans l'adversité, la population autochtone reste confiante et fidèle.
Robert Murphy, consul général des Etats-Unis à Alger.
En septembre 1940, le général Weygand est dépêché de Vichy à Alger où il est nommé haut-commissaire pour l'ensemble des territoires d'Afrique du Nord et d'Afrique Occidentale. Véritable proconsul, sa fonction lui donne autorité sur les gouverneurs coloniaux et l'administration civile en même temps qu'il dispose des pouvoirs militaires. Weygand incarne la permanence de la France outre Méditerranée ; sa formule « Défendre l'Afrique du Nord contre quiconque ». A l'époque, la menace vient de l'Axe et l'hypothèse d'une intervention par l'Espagne est concevable ; l'armée d'Afrique doit être en mesure de s'opposer à une telle agression. De son côté, l'Amérique, qui est en pré-alerte, a compris la valeur de la plate-forme africaine et délègue à Alger une mission dirigée par le consul général Robert Murphy. Habile diplomate, cet ancien conseiller à l'ambassade des Etats-Unis à Vichy, auprès de l'amiral Leahy, est à la fois le représentant personnel du président Roosevelt et l'agent de l'« Office of Stratégie Services » (O.S.S.). Bon catholique et fin politique, Murphy a tôt fait de se rapprocher des dignitaires français en Afrique du Nord dont il apprécie la capacité à maintenir la loi sur des territoires démesurés ainsi que l'ardent patriotisme. Il rencontre le général Weygand et les deux hommes se lient de sympathie. Un accord économique portant sur la fourniture par les U.S.A. de thé, de sucre, de cotonnades, de matériel agricole et d'essence, en échange de liège, intervient le 26 février 1941. En outre, une sorte de gentlemen's agreement autorise l'implantation de onze « vice-consuls », agents à peine déguisés de l'O.S.S., tels Boyd, Coster, King, Knight, Knox et Pendar qui nouent des contacts politiques et militaires à travers le Maghreb.
L'inconcevable négligence de l'ennemi jointe aux complicités locales permettront au réseau de subsister après l'ouverture des hostilités entre l'Allemagne et les Etats-Unis, jusqu'au débarquement allié. Hélas ! Weygand n'a pas cette chance. Le 17 novembre 1941, sous la pression allemande, l'amiral Darlan le rappelle à Vichy ; il est assigné à résidence puis interné en Allemagne du 12 novembre 1942 au 5 mai 1945. Qu'importe ! la dynamique est lancée, l'Armée d'Afrique renaissante est prête à reprendre le combat. Le haut commissariat étant supprimé, le général Juin est nommé à Alger, le 21 novembre 1941, commandant en chef en Afrique du Nord. Il poursuivra dans la voie tracée par son prédécesseur avec à ses côtés les généraux Béthouart, Kœltz, Mast, Monsabert, l'amiral Fénard, le capitaine de vaisseau Barjot, les colonels Baril, Jousse, Van Hecke, Tostain, les commandants Beaufre, Aumeran et cent autres.
(Robert Murphy, consul général des Etats-Unis à Alger)
Parallèlement à l'action déployée auprès des militaires, Murphy et son équipe sont au contact de la résistance civile et assurent une liaison permanente entre Alger et Washington. Après l'entrée en guerre des Etats-Unis et la conférence « Arcadia », l'option neutraliste de l'Afrique du Nord ainsi que le plan d'assistance américain à celle-ci en cas d'agression par les forces de l'Axe doivent être révisés. Ce n'est plus seulement une aide logistique mais une intervention armée destinée à occuper le terrain et gagner la population à la cause alliée qui est envisagée. Tout l'effort de la légation américaine en Afrique du Nord consistera, en étroite collaboration avec les sympathisants locaux, à favoriser ce projet sans éveiller les soupçons ; il sera couronné de succès (9).
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(9) L'histoire officielle a inculqué aux Français l'idée selon laquelle, de l'armistice à la libération, une voie unique s'offrait à la résistance, le gaullisme, tandis que, par opposition, le pétainisme était synonyme de collaboration avec l'ennemi. Cette vision manichéenne, voire politicienne, exclut le patriotisme qui est bien le facteur fondamental de toute résistance à l'envahisseur ; les populations d'Afrique du Nord étaient patriotes, notion recouvrant à la fois l'esprit civique et le sens de l'honneur. Elles le prouvèrent en résistant avec leurs chefs, dans les conditions de l'armistice, avant de reprendre les armes aux côtés des Alliés et de poursuivre la lutte jusqu'à la victoire finale. Aussi s'étonnera-t-on de la connotation péjorative envers les Français d'Afrique du Nord qui caractérise les rares évocations historiques concernant leur rôle dans la deuxième guerre mondiale. Tout d'abord, la résistance civile et militaire puissamment efficace qui préluda au débarquement allié est systématiquement ignorée. Ensuite, les pages de gloire écrites par l'Armée d'Afrique, de Tunis à Berchtesgaden sont méthodiquement occultées.
L'un des premiers fruits de cette coopération sera la note de décembre 1941, complétée par la note de mars 1942, rédigée au profit de l'état-major américain par les colonels Jousse et Van Hecke ; documents relatifs aux capacités propres de l'armée française et aux moyens nécessaires pour mener à bien une opération de débarquement sur le littoral nord-africain. C'est également au cours de l'hiver 1941-42 que, sous couleur d'une liaison commerciale, le commandant de réserve Aumeran se rend à Washington où il prend contact avec les autorités du « War Département » et du « State Département » pour y exposer les vues stratégiques les plus justes. Des réseaux de renseignement et d'action sont constitués dans les grandes villes, notamment à Oran où le groupe d'Henri d'Astier de la Vigerie se montre particulièrement performant. Il réunit des hommes aussi dissemblables dans leurs origines que solidaires dans leur idéal, ainsi le colonel Tostain et le capitaine Jabelot, l'industriel Roger Carcassonne-Leduc, l'ingénieur Jean Moine, le docteur Sicard, l'abbé Cordier, le père Théry, René Brunel, Bordollet, Anaca, Ségura, Troppin, Smadja qui opèrent en parfaite coordination avec le réseau de résistance polonais de Stanislaw Szewalsky et le vice-consul des Etats-Unis à Oran, Ridgway Knight. Il faut encore citer à Casablanca le colonel Lelong, Charles Dimary, l'ingénieur Pélabon ; à Tanger le colonel Truchet et le capitaine Luizet ; à Constantine, Paul Schmitt et Michel Rouzé ; à Philippeville, le colonel Flipo et Emile Cianfarani ; à Tunis, le colonel Rime-Bruneau, le commandant Breuillac, le lieutenant de vaisseau Verdier, Yves Pérussel et Jean Lévy-Despas. Alger, enfin, constitue le foyer de la résistance civile et militaire en Afrique du Nord ; y sont en effet rassemblés le siège de la légation consulaire américaine ainsi que les hauts responsables de l'administration civile et militaire française. Ce voisinage permettra des échanges fréquents, fructueux et finalement déterminants à l'approche du débarquement. L'un des tout premiers résistants d'Alger, dans le temps et dans l'action, est certainement le commissaire André Achiary qui, en 1940, dirigeait la Brigade de Surveillance du Territoire chargée du contre-espionnage. Sous son influence, aux côtés des commissaires Bringard et Esquerre, la police passera en bloc dans le camp allié. Les groupes de choc qui, dans la phase finale des préparatifs de débarquement, doivent neutraliser les points névralgiques d'Alger s'organisent progressivement, notamment le groupe du docteur Morali-Daninos et le groupe Mario, commandé par le capitaine Pilafort, où se trouvent également le lieutenant Daridan et le jeune Mario Faivre âgé de dix-huit ans. C'est l'étudiant en médecine José Aboulker et son principal lieutenant, Bernard Karsenty, qui sont chargés de fédérer les organisations civiles d'Alger. La résistance intellectuelle qui a comme porte-parole Max-Pol Fouchet et sa revue « Fontaine », réunit des personnalités telles que Monseigneur Hincky et le pasteur Sturm, Gabriel Esquer, Louis Joxe, Paul Bringuier, Armand Montagne, le docteur Duboucher et tant d'autres.
C'est à la suite du rappel du général Weygand, le 17 novembre 1941, qu'un de ses intimes, l'industriel Jacques Lemaigre-Dubreuil, forme une sorte de comité directeur chargé de poursuivre les négociations clandestines avec l'Amérique. Ses fonctions d'administrateur à la société des huiles Lesieur l'amènent à de fréquents déplacements en France, au Maroc et à Dakar. A partir de décembre 1941, il délègue à Alger son homme de confiance, Jean Rigault, dont il fait son représentant permanent en Afrique du Nord. Il s'entoure également du capitaine Henri d'Astier de la Vigerie,affecté au 2e bureau de la division d'Oran et qui dirige la résistance dans cette ville, du colonel Van Hecke, responsable pour l'Afrique du Nord des Chantiers de Jeunesse dont il a fait une pépinière de jeunes patriotes, et du conseiller d'ambassade Jacques Tarbé de Saint Hardouin, ancien collaborateur de Weygand, relevé de ses fonctions par Vichy, qui joue le rôle de conseiller diplomatique. Cette cellule, qui sera bientôt baptisée le « groupe des cinq », est reconnue par Robert Murphy comme l'état-major officiel de la résistance française en Afrique du Nord. Elle s'appuiera, dans le domaine de la stratégie et de la coordination militaire, sur le général Mast et le colonel Jousse.
(Le général Dwight D. Eisenhower, commandant
en chef des armées alliées en Afrique du Nord (par H.M. Carr).)
L'objectif du « groupe des cinq » est de créer dans le secret les conditions favorables à un débarquement allié sur la côte nord-africaine suivi du retour de l'armée française au combat. Le plan sera élaboré et exécuté en liaison avec la Maison-Blanche et les états-majors anglo-américains par l'intermédiaire du consul des Etats-Unis à Alger, Robert Murphy. Il prévoit que la force de débarquement alliée soit suffisamment massive pour garantir son succès immédiat et suffisamment dissuasive pour interdire sur place toute défense ; de même, doit-elle annihiler toute volonté contre-offensive de l'ennemi. Les préparatifs seront conduits à l'insu du général de Gaulle et de la France Libre(10). De même, le dispositif militaire britannique sera-t-il aussi discret que possible. L'Afrique du Nord libérée sera pourvue sur le champ d'un chef unanimement respecté dont la désignation sera exclusivement française. Les opérations militaires de débarquement seront soumises au leadership américain. Les autorités de la résistance à Alger seront avisées en temps opportun de la date du débarquement. Enfin, point essentiel, un « accord de souveraineté » de la France sur le territoire de l'Afrique du Nord devra être conclu préalablement à l'accès des troupes alliées sur son sol.
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(10) A Alger, Murphy est comme un poisson dans l'eau. Parfaitement intégré aux modes de vie et aux mentalités, il épouse l'état d'esprit des Européens qui ressemble à celui des pionniers américains. Quant à la population indigène, elle lui paraît fidèlement attachée à la France. Son excellent contact humain, son sens de la décision, sa vive intelligence et son intimité avec Roosevelt pèseront très fort dans l'option stratégique « Torch » elle-même et dans les moyens de la réaliser. Il n'ignore pas que, sur place, l'opinion est majoritairement opposée à de Gaulle. Le général est inévitablement associé aux agressions anglaises de Mers el-Kébir de même qu'à la piteuse expédition de Dakar et aux dramatiques affrontements franco-français de Syrie. De plus, aux yeux du président Roosevelt, il s'est gravement discrédité dans le raid de l'amiral Muselier à Saint-Pierre et Miquelon. Enfin, son entourage londonien pose problème et les services secrets américains prétendent qu'il est environné d'espions. Impopularité d'une part, secret menacé de l'autre, le général de Gaulle est totalement écarté du projet.
Reste donc à choisir et à proposer aux Alliés ce chef indiscutable qui doit rallier l'Afrique du Nord, de même qu'il est nécessaire d'organiser une ultime rencontre franco-américaine pour parachever les préparatifs.
En ce qui concerne l'autorité suprême qui représentera la France, le choix du groupe des cinq répond à une tendance nettement pro-américaine, peu favorable à la Grande-Bretagne et non gaulliste. Instamment sollicité par Lemaigre-Dubreuil, Weygand se récuse, prétextant son grand âge. Le général d'armée Giraud, personnage à la haute stature, ancien compagnon de Lyautey, qui a réussi le 18 avril 1942 une évasion retentissante de la forteresse allemande de Kônigstein où il était détenu, est alors désigné par Lemaigre-Dubreuil le 19 mai 1942, puis visité par Van Hecke en juin. Quoiqu'adepte d'un débarquement en Provence et prétendant à un utopiste commandement en chef de la future force interalliée, Giraud accepte finalement et se tient prêt. En août 1942, il désigne le général Mast, nouveau commandant de la division d'Alger, comme son chef d'état-major et son délégué militaire en Afrique. Le 25 septembre 1942, ce dernier adresse une directive à tous les groupements de résistance « Le but à atteindre est d'avoir une attitude telle, vis-à-vis des Alliés,qu'elle permette ultérieurement de maintenir le territoire nord-africain sous la souveraineté française ». Selon la volonté de Tarbé de Saint Hardouin, cette note est complétée, à l'intention des Américains, en spécifiant que « Si des résistances locales prévues se produisent, comme celles de la marine de guerre, elles ne sauraient être invoquées par les Alliés pour ne pas reconnaître le commandement français ».
Coup de tonnerre ! De retour des Etats-Unis, le 14 octobre 1942, Robert Murphy rapporte une nouvelle sensationnelle « L'intervention alliée en Afrique du Nord est proche. Les forces de débarquement seront considérables : 500 000 hommes, 2 000 avions » (chiffres très exagérés en vue de galvaniser les amis et décourager l'ennemi). De plus, le général Eisenhower, commandant en chef du corps expéditionnaire, souhaite une rencontre immédiate entre son état-major et celui du général Giraud dont le choix est entièrement approuvé. Il désigne pour le représenter son adjoint direct, le général Clark.
Ce sera l'entrevue de Cherchell, le 22 octobre 1942. Elle se tiendra, plus précisément, à Fontaine-du-Génie, dans la villa Teissier, 110 kilomètres à l'ouest d'Alger, en bordure de la plage de Messelmoun. Comme dans les romans d'espionnage, un sous-marin anglais, le « Seraph » sous les ordres du lieutenant Jewell, prendra en charge la délégation américaine à Gibraltar pour la débarquer de nuit, dans des radeaux pneumatiques, sur le littoral algérien. Outre le général Clark, les principaux émissaires américains sont le général Lemnitzer, chef de bureau des opérations de l'état-major allié à Londres, le colonel Hamblen, le capitaine de vaisseau Wright, accompagnés d'un conseiller politique, le colonel Holmes du State Département. Du côté français, le général Mast est assisté du colonel Jousse, du capitaine de frégate Barjot, du commandant Dartois et, pour le groupe des cinq, d'Henri d'Astier de la Vigerie, du colonel Van Hecke et de Jean Rigault. Mast remet aux Américains une note explicative sur la situation en Afrique du Nord. Il insiste sur la nécessité de débarquer à Bône pour verrouiller la Tunisie (requête hélas demeurée vaine). Il fait part des volontés exprimées par le général Giraud en matière de commandement en chef (elles seront rejetées). Il insiste pour être prévenu en temps utile afin de mettre en place les groupes de résistance, espérant ainsi contrôler, sinon neutraliser, les réactions de riposte au débarquement. Enfin, un projet d'accord sur la souveraineté française en Afrique du Nord est présenté. La conférence, qui se déroule sous l'heureux arbitrage des consuls Murphy et Knight, est empreinte de cordialité. En fait, le plan « Torch » est déjà arrêté et les convois vont appareiller des Etats-Unis dès le surlendemain 24 octobre. Clark, conscient de la relative faiblesse des moyens militaires alliés tient visiblement à être rassuré sur la capacité des groupes de résistance à minimiser la « casse ».
Le 28 octobre, Murphy annonce à Mast la date du débarquement. Ce dernier s'enquiert immédiatement des dispositions prises pour le transport de Giraud à Alger et demande l'envoi d'un sous-marin. Il insiste ensuite pour que les points de débarquement qu'il a lui-même indiqués à Clark, Sidi-Ferruch Pointe-Pescade et Surcouf, soient scrupuleusement respectés, la défense de ces plages étant neutralisée par ses soins. Il s'attache enfin à mettre en œuvre le plan élaboré par lui-même avec les responsables de la résistance.
Le 2 novembre, Robert Murphy est autorisé par le président Franklin Roosevelt à reconnaître l'accord de souveraineté demandé par le général Henri Giraud.
(Le général Giraud en bande dessinée : tract en
langue arabe à l'intention des populations
musulmanes d'Afrique du Nord.)
LES HUIT POINTS DE L'ACCORD MURPHY-GIRAUD
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Dans la nuit du 5 au 6 novembre, le général Giraud embarque à son tour sur ce même sous-marin « Seraph » dans le golfe de Bandol. Le 7 au matin, il est transbordé au large des Baléares sur un hydravion « Catalina » qui le dépose quelques heures plus tard à Gibraltar. Il y rencontre le général Eisenhower et, après une conférence houleuse, parvient à un terrain d'entente sur le partage du pouvoir militaire, la confirmation de l'accord de souveraineté et la reconnaissance de son autorité unique dans l'administration et le gouvernement des territoires français d'Afrique du Nord.
Nous sommes au matin du 8 novembre 1942 et le canon tonne sur la côte africaine.
(Opération « Torch » - le convoi en route vers l'Afrique du Nord.)
Le grand jour
Les objectifs
L'opération « Torch » est fixée le 8 novembre 1942 dans les premières heures. Elle s'est assignée trois objectifs : Casablanca, Oran et Alger.
Telle qu'elle a été arrêtée le 24 juillet 1942, « Torch » se définit comme une opération amphibie anglo-américaine dont les buts essentiels sont :
— D'établir des têtes de pont entre Oran et la Tunisie, d'une part,
— D'établir des bases au Maroc, d'autre part.
— D'exploiter les têtes de pont ainsi formées pour chasser les forces de l'Axe du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie (sic), de manière à progresser ensuite vers l'est contre les arrières de l'armée Rommel, « Afrika Korps » et corps expéditionnaire italien réunis.
— Enfin, de se servir de l'Afrique du Nord comme d'une base de départ vaste et efficace pour des opérations ultérieures sur le continent européen.
Les plans de débarquement prévoient en outre une coordination entre les forces d'assaut proprement dites et l'action sur le terrain des organisations clandestines, afin de faciliter l'occupation du sol par les Alliés.
Le 14 août 1942, le général américain Dwight Eisenhower est nommé commandant en chef suprême des forces alliées et l'amiral Andrew Cunningham (ancien chef de l'escadre anglaise de Méditerranée), commandant en chef des forces navales.Le général Doolittle (héros du raid sur Tokyo), pour l'U.S. Air-Force, et l'air-marshall Waslh, pour la Royal-Air-Force, se partagent le commandement aérien. Le général Mark Clark, commandant en second, est également américain, de façon à conserver le leadership aux Etats-Unis en cas d'indisponibilité d'Eisenhower ; il a de plus autorité directe sur les chefs des trois forces terrestres de débarquement, les généraux américains Patton, Fredendall et Ryder.
Casablanca
La « Task Force 34 » occidentale a pour objectif Casablanca. Elle est entièrement américaine. Les forces terrestres se composent de 35 000 hommes et sont placées sous les ordres du fameux général George Patton. Les forces navales, commandées par l'amiral Henry Hewitt, comprennent une centaine de navires de guerre, 29 transports de troupe et 102 cargos. Les 23 et 24 octobre, cette flotte appareille directement des Etats-Unis, principalement des ports de Hampton-Roads, Norfolk et Portland. Au sein de l'escadre de guerre, un groupe de couverture (covering), sous l'autorité du contre-amiral Giffen, a pour mission de neutraliser la flotte française, notamment le cuirassé « Jean Bart » ; il compte dans ses rangs le puissant cuirassé « Massachusetts » ainsi que les croiseurs « Wichita » et « Tuscaloosa ». Le croiseur lourd « Augusta » porte la marque de l'amiral Hewitt. Une importante protection aérienne est embarquée sur les porte-avions « Chenango », « Ranger », « Sangamon », « Santee » et « Suwanee ».
(COMMANDANTS DE LA « TASK FORCE»)
Bien qu'Eisenhower eût insisté pour que « Torche » fût vraiment une entreprise commune, les structures du commandement étaient exclusivement américaines. D'ailleurs, le président Roosevelt n'avait-il pas déclaré : « Je suis fermement convaincu que les premières attaques doivent être menées par des troupes exclusivement américaines » ?
La « Task Force » se divise elle-même en trois groupes d'assaut : — Groupe nord (Northern attack), comprenant un contingent de 9 500 hommes et 65 chars, sous la protection du cuirassé « Texas » et du croiseur « Savannah ». Il est commandé par le général Truscott et doit débarquer à l'embouchure de l'oued Sebou, 120 kilomètres au nord-est de Casablanca.
Il a pour objectifs Mehdia et Port-Lyautey avec son aéroport.
— Groupe centre (Center attack), composé de 19 000 hommes et 79 chars, couvert par les croiseurs lourds « Augusta », « Brooklyn » et « Cleveland ». Il doit prendre pied sur la plage de Fédala en divers points (Blue beach 1-2-3 et Red beach 1-2-3), 25 kilomètres au nord-est de Casablanca. Son objectif est de neutraliser Fédala, puis de s'emparer de Casablanca.
— Groupe Sud (Southern attack), comptant 6 500 hommes et 108 chars, appuyé par le cuirassé « New York » et le croiseur « Philadelphia ». Sous le commandement du général Harmon, il doit s'emparer du port de Safi pour y décharger ses chars « Sherman » et « Grant » avant de pousser en direction de Marrakech.
(Les opérations à Casablanca et l'indication
codée des points de débarquement.)
Le parapluie aérien fourni par l'aéronavale est de 172 avions.
Du côté français, l'organisation défensive du Maroc est placée sous l'autorité du résident général Noguès. Le général Béthouart, qui s'illustra à Narvik, commande la division de Casablanca et l'amiral Michelier est à la tête de l'escadre. L'armée de terre dispose de 30 900 hommes des forces de manœuvre, effectif qui peut être rapidement doublé par la mise en œuvre des réserves et la mobilisation des goums. De puissantes batteries côtières sont implantées, notamment à El-Hank et au cap Fédala. Les forces navales sont constituées par le cuirassé « Jean Bart », immobilisé mais redoutablement armé, 1 croiseur, 3 contre-torpilleurs, 7 torpilleurs, 12 sous-marins et 4 avisos. L'armée de l'air compte environ 170 appareils de combat en état de vol. Béthouart, qui est acquis à la cause alliée, sera averti trop tardivement pour mettre en place son dispositif dans les meilleures conditions. De plus, il se heurtera à l'incompréhension de Noguès et de Michelier. Tandis que Béthouart et son état-major sont arrêtés et transférés à la prison de Meknès en vue d'être traduits en conseil de guerre, les troupes américaines éprouvent certaines difficultés à s'établir et à progresser sur le territoire marocain.
La garnison de Fédala exécute l'ordre du général Béthouart et n'oppose aucune résistance au débarquement du groupe centre. En fin de journée, 8 000 hommes et tous les chars américains forment une solide tête de pont. A Mehdia, la réaction française est plus vive et la situation du groupe nord est préoccupante au soir du 8 novembre. Le groupe sud, malgré la défense des batteries côtières, parvient à décharger ses chars dans le port de Safi où l'a précédé un commando qui s'est assuré des installations militaires. Dans l'après-midi, une contre-attaque appuyée par quelques chars Renault est repoussée et, dans la soirée, la résistance française cesse. La tête de pont américaine s'établit alors normalement sur une profondeur de 4 kilomètres.
Tandis que le cessez-le-feu est proclamé à Alger dans l'après-midi du 8 novembre, les combats se poursuivent au Maroc et à Oran ; Vichy commande d'organiser un théâtre d'opération Maroc-Oranie sous les ordres du général Noguès. Néanmoins, malgré des retards et des problèmes de navigation dûs aux marées, le débarquement des troupes et du matériel s'intensifie, de sorte qu'à part Mehdia, la situation au matin du 9 novembre est dans l'ensemble conforme aux prévisions. Toutefois, aux approches de Casablanca le groupe centre va se heurter à la division dont le général Desré a pris le commandement en remplacement du général Béthouart. Patton préfère consolider ses appuis et remettre son attaque au 11 novembre. En bien d'autres points, la réaction française est assez molle ; les ordres de Béthouart ont finalement porté. Dans la matinée du 10 novembre, un audacieux coup de main du destroyer « Dallas », avec le pilote français Lavergne à sa barre, est lancé dans l'oued Sebou. Un commando est débarqué, appuyé par l'artillerie du « Dallas », et vient à bout de la garnison de Mehdia. A midi, les premiers avions américains se posent sur la base de Port-Lyautey. Dans le secteur de Safi, le groupement blindé du groupe sud atteint Mazagan et se prépare à participer le 11 novembre à l'offensive Patton. Entre-temps, l'amiral Darlan — invité surprise à Alger —, qui a pris le commandement en chef des forces françaises d'Afrique du Nord, envoie un message de cessez-le-feu à Noguès dans la journée du 10. Noguès réclame confirmation et le commandant Dorange est dépêché d'Alger par avion avec un ordre écrit. Dorange est contraint de se poser à Oujda d'où il téléphone à Casablanca à 17 heures 30. Le cessez-le-feu sera finalement proclamé le 11 novembre à 7 heures 30. Patton immédiatement prévenu annule la préparation d'artillerie qui devait précéder son offensive.
(Sur la plage de Fédala, Gl's halant une pièce antichar.)
La bataille de Casablanca s'achevait ; son bilan était lourd. Il eût pu être plus sévère si la résistance militaire opposée à l'entêtement de Noguès n'avait évité le pire. La flotte française était hors de combat avec le « Jean Bart » reposant sur le fond du port, le croiseur « Primauget » coulé avec 5 sous-marins et 6 torpilleurs. On ne déplorait pas moins de 462 officiers et marins tués et près de 600 blessés. L'armée de terre comptait environ 1 400 tués et blessés. Une vingtaine d'avions avaient été détruits. Les pertes terrestres américaines étaient du même ordre, mais les pertes navales étaient minimes.
Oran
La « Task Force » centrale a pour objectif Oran. Les forces terrestres, entièrement américaines comptent 39 000 hommes sous les ordres du général Fredendall. Les forces navales, placées sous le commandement de l'amiral anglais Troubridge, se composent d'une escadre britannique extrêmement puissante (une centaine de bâtiments de guerre) destinée à décourager toute intervention italienne et dissuader la sortie de la flotte française de Toulon (véritable marotte de Churchill). Elle se partage en un groupe de combat, comprenant les cuirassés « Nelson » et « Duke of York », le croiseur de bataille « Renown », les porte-avions « Victorious » et « Formidable », 4 croiseurs et 17 destroyers, et un groupe de couverture composé du cuirasse « Rodney », des porte-avions « Furious », « Biter » et « Dasher », du croiseur lourd « Delhi », de 2 croiseurs, 11 destroyers et 6 corvettes. L'armada est complétée par quelque 140 transports et cargos.
L'appareillage a lieu les 22 et 26 octobre en Ecosse, dans l'embouchure de la Clyde.
(Les opérations à Oran.)
Le commandement a prévu un mouvement d'encerclement d'Oran par l'est et par l'ouest, ainsi que deux opérations de commando qui se révéleront des plus malencontreuses. La première consiste en une attaque « surprise » du port, la seconde en un parachutage sur les terrains d'aviation de Tafaraoui et La Sénia.
Le 8 novembre à 1 heure, un petit patrouilleur arrivant du Maroc se retrouve au milieu de l'escadre alliée et donne l'alerte. A 2 heures, tous les organes de commandement sont avertis et prennent des mesures de défense.
A 3 heures, 2 corvettes britanniques arborant pavillon américain, le « Walney » et le « Hartland », se présentent à la passe du port d'Oran en s'annonçant par haut-parleur. Elles ont a leur bord 400 soldats américains et 200 marins qui constituent le commando « Reservist » dirigé par un officier britannique, le capitaine de vaisseau en retraite Thornton Peters. Ce raid d'une folle témérité se propose de neutraliser les postes clés et de se rendre maître du port. Il se solde par un échec total : les deux bâtiments sont coulés, plus de 300 hommes tués et le reste capturé.
L'opération aéroportée n'aura guère plus de succès. Décollant de Cornouailles, 550 parachutistes sont transportés d'une seule traite sur une distance de 1 700 kilomètres pour être largués entre le mont du Tessala et la Sebkha afin d'investir les bases aériennes de La Sénia et Tafaraoui. Ils seront décimés et pour la plupart faits prisonniers.
Le gros du corps expéditionnaire se scinde en trois groupes :
— La « Green Force » du colonel Robinett débarque sur la plage de Marsa-Bouzedjar (« Beach X »), 45 kilomètres à l'ouest d'Oran. Il est constitué d'une unité blindée, environ 3 000 hommes et 40 chars. Il doit réaliser un mouvement enveloppant en direction de La Sénia, vers l'est.
— Le 26e Régiment d'infanterie renforcé (« Combat Team 26 »), soit 5 000 hommes représentant environ le tiers de la Ire Division d'Infanterie U.S., sous les ordres du général Théodor Roosevelt (fils du président), débarque sur la plage des Andalouses (« Beach Y »), 30 kilomètres à l'ouest d'Oran. Son objectif est Mers el-Kébir, puis Oran.
·C'est sur le port d'Arzew et la plage de Saint-Leu (« Beach Z »), 25 kilomètres à l'est d'Oran, que se concentre la force du général Fredendall. Elle est constituée par 2 régiments renforcés de la Ire Division d'Infanterie U.S., environ 12 500 hommes, d'un bataillon de « Rangers », 500 hommes, et d'un groupement blindé de la lre Division Blindée U.S. (« Combat Command B »), 4 500 hommes avec soixante chars légers et moyens. Le port d'Arzew étant occupé sans résistance, ces effectifs sont complétés par une deuxième vague composée de 2 régiments d'infanterie renforcés (« Combat Team 16 » et « Combat Team 18 »), soit environ 12 500 hommes. Tandis que l'infanterie a pour mission de se déployer vers Oran, les blindés doivent rejoindre Tafaraoui dans un mouvement d'encerclement dirigé vers l'ouest.
LE PREMIER MORT DU DÉBARQUEMENT
Le 8 novembre 1942 à 1 heure du matin, un commando américain aborde tout près du port d'Arzew dans un silence total. Il approche à pas feutrés du fort de la Pointe qui domine la passe. Le canonnier Pierre Morales du 68e Régiment d'Artillerie d'Afrique est alors en faction. Soudain, il s'affaisse sans un murmure impitoyablement poignardé par un Ranger. Il est 1 heure 30, l'opération « Torch » vient de commencer. |
L'aviation embarquée se compose de 180 appareils.
Côté français, le secteur de défense d'Oran est commandé par la marine ; le contre-amiral Rioult exerçant ce commandement a sous ses ordres le général Boissau et la division d'Oran. Les forces terrestres sont importantes et regroupent 13 bataillons d'infanterie, 6 groupes d'artillerie, 1 régiment de cavalerie, 1 brigade légère mécanique de 45 chars D-l. L'effectif total de 15 500 hommes peut être porté à 20 000 par mobilisation rapide, sans compter le renfort plus ou moins hypothétique de 3 700 volontaires civils appartenant au S.O.L. Des batteries côtières abritées dans les anciennes fortifications espagnoles, notamment au Santon, au Ravin Blanc et à Canastel, offrent une défense appréciable vers la mer, que vient compléter une flotille formée d'un contre-torpilleur, 3 torpilleurs, 1 aviso, 4 sous-marins armés et 4 en gardiennage, 4 patrouilleurs et 2 sections de dragage. L'aviation compte plus de 100 avions répartis sur les terrains de La Sénia et Tafaraoui, ainsi qu'un groupe d'hydravions à l'hydrobase d'Arzew. Malgré une information tardive, la résistance civile bien organisée jouera son rôle. C'est ainsi que la passe sera dégagée de son filet de protection et le paquebot « Laferrière », devant faire barrage, échoué le long de la jetée par le pilote Forlemeyère ; les docks flottants ne seront pas coulés mais simplement immergés ; de nombreux navires marchands refuseront le sabordage ; l'explosion du tunnel des Bains-de-la-Reine et la destruction de la centrale électrique de Mers el-Kébir seront empêchées par le chef d'équipe Tropin, de même que sera évité l'incendie du port d'Oran par le déversement des stocks de mazout. Malheureusement, la résistance militaire échouera et le colonel Tostain se retrouvera aux arrêts après avoir tenté de rallier le général Boissau.
(Un élément de la 1ère Division d'Infanterie U.S.
prend pied sur la plage de Saint-Leu, drapeau
américain déployé, sans rencontrer de résistance.)
Tandis que le commando « Reservist » dans le port d'Oran et l'opération aéroportée de la Sebkha échouent lamentablement, les forces de débarquement américaines ont pris pied aux emplacements désignés sans rencontrer d'opposition.
A Marsa-Bouzedjar, en raison d'équipages inexpérimentés, l'abordage des chars s'effectue lentement et le bataillon n'est finalement regroupé que dans l'après-midi du 8 novembre. La colonne se met en route et atteint Lourmel, puis Misserghin où elle se heurte à un premier foyer de résistance et fait halte dans la soirée. Le « Combat Team 26 » débarque aux Andalouses sans essuyer un coup de feu et fait marche, par Bou-Sfer et Ain el-Turk, vers Mers el-Kébir. Mais le 8 novembre après-midi, à l'approche du Santon, il est pris sous le feu de l'artillerie côtière et cloué au sol par un élément du 2e Zouaves. Malgré tous ses efforts, il ne pourra reprendre sa progression et ne participera pas à la prise de la ville. Dans le secteur d'Arzew, le bataillon de « Rangers » débarque le 8 novembre dès 1 heure et s'empare de la batterie de la Pointe par surprise. Après un simulacre de résistance, le fort du Nord tombe à 5 heures.La passe n'ayant pas été obstruée et les feux de balisage étant allumés, le débarquement se poursuit dans le port même. La base aéronavale est rapidement enlevée et, dès 9 heures, Arzew est entièrement occupé. Dès lors, les chars et le matériel lourd sont mis à terre sans difficulté. L'opération amphibie sous les ordres directs de Fredendall a parfaitement réussi et la progression commence. Le « Combat Team 18 » se présente devant Saint-Cloud en début d'après-midi et se heurte à une vigoureuse résistance de la part d'un bataillon du 16e Tirailleurs et d'un bataillon de la Légion. Il suspendra sa marche jusqu'au surlendemain. Le « Combat Team 16 » se partage en deux éléments, l'un à l'est chargé de contenir un détachement du 2e Tirailleurs sur la Macta, l'autre à l'ouest entreprend de marcher sur Oran mais bute contre le centre de résistance de Fleurus et se contente de prendre position dans la soirée du 8 novembre. Enfin, le « Combat Command B », composé de chars légers M5 « Stuart » et moyens M3 « Grant » avec quelques M4 « Sherman », s'élance vers la base de Tafaraoui qu'il atteint le 8 dès midi et prend au premier assaut. Deux escadrilles de « Spitfire » décollant de Gibraltar s'y poseront à 17 heures 30. La journée du 9 novembre apportera peu de changements sinon la prise de la base de la Sénia par le « Combat Command B » vers 11 heures. Elle sera également marquée par le ralliement courageux du sous-préfet de Tiaret, Luizet, et la non-intervention du bataillon de cette ville. A Saint-Lucien, le bataillon léger motorisé de Sidi-Bel-Abbès refusera sagement d'affronter les chars américains. La ville étant encerclée selon le plan prévu, l'avance reprend le 10 au matin vers 10 heures. Malgré quelques nids de résistance à Saint-Cloud, Fleurus et Arcole, rapidement balayés par les forces blindées du « Combat Command B », la défense est des plus molles. A 11 heures, le premier « Half Track » suivi bientôt du premier « Grant » pénètrent dans la ville et le 10 novembre avant midi, le général Boissau et l'amiral Rioult proclament le cessez-le-feu à Oran.
En définitive, les manœuvres terrestres généralement menées avec tact par les Américains et sans grande conviction par les Français se soldaient par des pertes relativement minimes dans les deux camps. Hélas ! il n'en allait pas de même pour les opérations navales. Une sortie par trop téméraire opposait la flottille française imprégnée du souvenir de Mers el-Kébir à l'escadre anglaise qui n'en faisait qu'une bouchée. Un contre-torpilleur, 2 torpilleurs, 1 aviso et 2 sous-marins furent coulés ou s'échouèrent. Le torpilleur restant, 4 sous-marins, 7 patrouilleurs et 13 navires marchands se sabordèrent le 9 novembre en exécution d'ordres inconsidérés. Pour le sous-marin « Fresnel », qui réussissait au prix de mille périls à regagner Toulon, ce n'était que partie remise et il disparaissait à son tour le 27 novembre dans le sabordage général de la flotte. Les combats d'Oran avaient causé la mort de 300 officiers et marins et fait 150 blessés. Les pertes alliées étaient équivalentes. Une quinzaine d'avions français avaient été détruits au combat ou au sol. Les pertes terrestres chez les Français comme chez les Américains n'excédaient pas 300 hommes (tués ou blessés).
Alger
La « Task Force » orientale a pour objectif Alger. L'armée de débarquement alliée est formée de 10 000 soldats américains et 23 000 britanniques sous les ordres du général américain Ryder. L'escadre commandée par l'amiral anglais Burrough se compose des croiseurs « Sheffield », « Scylla » et « Charybdis », des porte-avions « Argus » et « Avenger », de 3 bâtiments anti-aériens, 1 monitor, 13 destroyers et 7 corvettes (une soixante de navires de guerre au total). Quelque 120 transports de troupe et cargos l'accompagnent.
(Les opérations à Alger.)
Comme le convoi d'Oran et aux mêmes dates, l'armada d'Alger a appareillé dans l'estuaire de la Clyde. De même, le commandement américain a-t-il prévu un mouvement d'encerclement et trois groupements de débarquement :
— Le « Apples », lui-même scindé en deux groupes « Green » et « White », doit aborder entre Castiglione et l'embouchure du Mazafran, une trentaine de kilomètres à l'ouest d'Alger. Il est constitué par la 11e Brigade d'Infanterie britannique et doit se porter sur Birtouta, pour le groupe « White », sur Blida, pour le groupe « Green ».
— Le « Béer » est partagé en trois groupes. Le « Green », sur la plage de Sidi-Ferruch, est constitué par un commando, chargé d'occuper le fort, et par le « Combat Team 168 » américain qui doit marcher sur Alger en direction d'El-Biar. Le « White », qui est un élément de la même unité, débarque dans le voisinage, au Ras-Accras, 10 kilomètres à l'ouest d'Alger, et doit pénétrer dans la ville par la Bouzaréah. Enfin le « Red », qui prend pied à Pointe-Pescade, dans le faubourg ouest de la ville, est constitué par un fort commando chargé de s'emparer de la batterie Duperré. — Le « Charlie », qui constitue le groupement est, a été constitué sur les conseils du général Mast. Il se répartit à l'est immédiat du Cap Matifou en quatre groupes, « Green », « Blue », « Red 1 » et « Red 2 », respectivement centrés sur les plages de Jean-Bart, Aïn-Taya, Surcouf et l'embouchure de la Rhégaïa. Il comprend un commando destiné à neutraliser le fort d'Estrées et le « Combat Team 39 » américain dont la double mission consiste à prendre l'aérodrome de Maison-Blanche et à boucler Alger, distant de 25 kilomètres, par l'est.
Une réserve embarquée, constituée par la 36e Brigade d'Infanterie britannique, se tient au large de Sidi-Ferruch. Tandis qu'Alger se trouve paralysé par les organisations de résistance, les opérations de débarquement se déroulent dans un désordre indescriptible et le temps passe.
Simultanément à l'opération principale, comme à Oran, un inefficace et inconséquent commando embarqué sur les destroyers anglais « Broke » et « Malcolm » est lancé dans le port d'Alger. Dès cet instant, les défenses de la ville sont mises en alerte. Une vingtaine de soldats américains sont tués et 200 faits prisonniers.
Par bonheur, du côté français, les organisations de résistance fonctionnent à merveille. Il est vrai que tous les hauts responsables militaires et civils se trouvent sur place et en liaison instantanée avec le consulat des Etats-Unis. Le général Mast, prévenu le 28 octobre par Robert Murphy, a pu contacter ses principaux lieutenants de même que le groupe des cinq.
Henri d'Astier a prévu la participation d'un millier de résistants. Il s'en présente 377 et chaque équipe se voit réduite à proportion. A minuit, l'organisation civile perçoit armes et munitions. Chacun se fait remettre un brassard V.P. (Volontaire de Place) qui l'accrédite à tous les postes militaires. C'est le lieutenant-colonel Jousse, sous couvert du général commandant d'armes, qui a élaboré le plan de neutralisation des points-clés. A partir de 0h30, tous les postes militaires sont relevés sans qu'aucun chef de poste n'oppose d'objection. A 1 heure, tous les points sensibles essentiels : états-majors, central de transmissions de l'Air, résidences des généraux, Radio Alger, centraux téléphoniques, poste centrale, Palais d'Eté, préfecture, commissariat central et commissariats de quartiers sont aux mains de l'organisation résistante. José Aboulker occupe le commissariat central, le lieutenant Pilafort s'est emparé du central protégé de Mogador. Toutes les communications sont coupées, Alger ne répond plus, la ville est paralysée.
Cependant un événement totalement imprévisible et inconnu de tous est survenu l'avant-veille. L'amiral Darlan, commandant en chef suprême des forces armées françaises et principal confident du maréchal Pétain, est arrivé incognito à Alger le 6 novembre par avion en provenance de Vichy. La raison, ou le prétexte de ce voyage, serait la grave maladie de son fils, l'enseigne de vaisseau Alain Darlan, frappé de poliomyélite et traité dans un hôpital d'Alger. La présence à Alger d'une telle personnalité à l'heure du débarquement allié ne peut avoir qu'une profonde incidence sur la suite des événements.
Murphy n'ignore pas la phrase de Darlan à l'amiral Leahy, alors ambassadeur des Etats-Unis à Vichy : « Si vous venez à 50 000, je vous tire dessus. Si vous venez à 500 000, je vous ouvre les bras ». De plus, Darlan s'est efforcé de garder le contact avec lui par l'intermédiaire de l'amiral Fénard, secrétaire général de l'Algérie, pour souligner que sa fonction lui donne plein pouvoir sur l'Afrique. Toujours est-il que Murphy vient rendre visite au général Juin dans la nuit du 7 au 8 novembre pour lui apprendre la nouvelle du débarquement et tenter de le rallier à la cause. Juin visiblement embarrassé déclare qu'il se prononcerait immédiatement s'il ne tenait qu'à lui : « Mais — ajoute-t-il — comme vous le savez, Darlan est à Alger. Il est mon supérieur et c'est à lui que la décision appartient ». Murphy est-il informé comme Juin le pense ? Feint-il la surprise ? L'inconnue subsiste, même s'il n'est pas exclu d'imaginer que Washington ait pu tenter d'obtenir un atout supplémentaire de la part de Vichy, la carte Giraud n'étant pas dépourvue de risques. Où commence et où s'achève le double jeu ? Darlan par câble secret de l'amirauté — on le sait depuis — est en contact direct avec le maréchal. Est-il son représentant officiel auprès des Américains comme il l'affirmera plus tard ? Laissant Juin, Murphy se rend immédiatement auprès de Darlan qui est hébergé chez l'amiral Fénard. Mis au courant de l'imminence de l'opération « Torch » par Murphy, Darlan explose de colère : « Je sais depuis longtemps que les Anglais sont stupides. Je croyais les Américains plus intelligents. Je vois qu'ils se valent. Si vous aviez attendu quelques semaines, nous aurions agi ensemble suivant un plan de coopération établi non seulement pour l'Afrique mais pour la France. Vous avez voulu marcher seuls ! Je me demande ce que va devenir mon pays ! » En entendant le nom de Giraud, il redouble de violence : « C'est un enfant ! Il est tout juste bon à faire un général de division ! » Puis, après avoir rappelé qu'il a prêté serment au maréchal Pétain et ne peut agir sans son assentiment, il demande à lui rendre compte et attendre ses instructions. Il cherche ainsi à gagner du temps afin de juger si l'opération de débarquement alliée est crédible et quel sera le potentiel de riposte de l'Axe. La réponse officielle de Pétain dans la matinée du 8 novembre sera : « ... A la force, nous répondrons par la force. »
Pendant la longue nuit et l'aurore qui point, les organisations résistantes d'Alger ont de plus en plus de mal à maintenir leur pression. Murphy s'inquiète, les Américains auraient dû apparaître vers 2 heures 30. Il est 6 heures 30 et on attend toujours. Soudain, la situation se retourne et les conjurés doivent céder les uns après les autres. Le lieutenant Jean Dreyfus est tué à la Grande Poste. Le capitaine Pilafort sera le dernier à résister et s'écroulera mortellement blessé à 14 heures 30. Il n'empêche, la neutralisation d'Alger aura permis à des forces alliées totalement inexpérimentées de prendre pied et de s'établir sans opposition.
Enfin, vers 15 heures Darlan rend à son tour visite à Murphy qui est placé sous haute surveillance au domicile de l'amiral Fénard. L'invasion alliée n'est pas une chimère mais revêt au contraire tous les aspects d'une offensive de vaste amplitude. Darlan demande à Murphy d'aller au devant du général Ryder. Ce dernier accepte d'accompagner Murphy au fort l'Empereur. Un cessez-le-feu limité à l'Algérois est sonné dès le 8 novembre à 17 heures 20, puis confirmé par convention verbale à 18 heures 40.
Le lendemain à 17 heures 30, un raid aérien allemand limité à une trentaine de « Stukas » se déroulait sur la rade et quelques navires étaient atteints au milieu d'une immense armada. Il permettait à Darlan d'apprécier le rapport de forces et de mesurer la faiblesse de la « Luftwaffe » face aux escadrilles de « Hurricane » immédiatement dépêchées de Maison-Blanche. L'opération d'Alger s'achevait avec un minimum de pertes : 13 tués dans les rangs des troupes françaises et 2 parmi les résistants. Les pertes anglo-américaines légèrement plus importantes avaient pour cause principale le malencontreux commando du port. Aucun avion et aucun navire n'avaient été détruits. Seuls deux sous-marins avaient regagné Toulon.
(Tract largement diffusé en
Afrique du Nord
le 8 novembre 1942.)
Ombre et lumière
Le 9 novembre, quand Giraud se pose sur l'aérodrome de Blida, il arrive en quelque sorte après la bataille ; personne n'est là pour l'accueillir, hormis Lemaigre-Dubreuil. N'a-t-il pas d'ores et déjà raté le coche ?
Malgré ses prises de position apparemment pro-allemandes, dans un passé récent, la cote de Darlan remonte aux yeux des Américains. Il semble incarner une sorte de légitimité et se fait respecter par l'armée. Mais alors qu'il paraît seul en mesure d'arrêter les combats, il se donne du temps et tergiverse. Si bien que Clark accouru de Gibraltar lui extorque l'ordre de cesser le feu « au nom du maréchal ». La réaction publique de Pétain est immédiate et sans équivoque : Darlan est désavoué, destitué et remplacé par Noguès. Mais l'ordre de combattre jusqu'au bout lancé par Vichy n'est-il pas de pure forme ? Déjà les combats ont virtuellement cessé. Les grands procès d'après-guerre tendront à établir que Darlan aurait obtenu en sous-main l'approbation de Pétain pour un cessez-le-feu, suivi d'une coopération avec les Alliés. Méandres du double jeu ?
Pour de Gaulle, l'affaire se présente mal. Le président Roosevelt se méfie des idées politiques du chef de la France libre et déteste son arrogance. Il estime que son défi au gouvernement de Vichy et sa participation aux côtés des britanniques dans les affaires de Dakar, Syrie et Madagascar l'ont coupé des officiers français légalistes, y compris ceux qui n'attendent qu'une occasion pour reprendre les armes contre l'Axe. Il insiste donc très fermement auprès de Churchill afin que de Gaulle soit tenu totalement à l'écart du projet « Torch ». « Je crains — précise Roosevelt à Churchill — qu'une intervention du général de Gaulle ne puisse nuire aux espoirs que nous avons de rallier une importante fraction des forces françaises d'Afrique à notre cause. En conséquence, j'estime inopportun que vous lui donniez le moindre renseignement concernant « Torch » avant d'apprendre le succès des débarquements. Vous pourriez lui dire alors que le commandement américain d'une expédition américaine a exigé le secret le plus absolu dans un souci de sécurité, et ce, avec mon accord ».
Comme quoi, si « tous les chemins mènent à Rome », le détour par Londres paraissait superflu à Roosevelt parfaitement informé par Murphy. Mais les choses n'en resteront pas là et la suite ne tardera pas à nous en apprendre
Georges BOSC
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Date de dernière mise à jour : 28/10/2016