Le Hammam
Le hammam est un lieu de palabres, un lieu intime où l’on se confie, et où règne au milieu des brumes parfumées une ambiance extraordinaire faite de bruits d’eau, de rires et de murmures. La tradition du bain maure remonte à plusieurs siècles. Elle est issue de la fusion des traditions grecques, romaines et turques….
…..Le hammam se divise en trois enceintes. La première appelée « sqifa » sert de salle d’attente. Un rideau y est accroché lors de la séance pour femmes. C’est pour cela qu’un écriteau est placé juste devant la porte pour indiquer la présence d’une telle ou telle catégorie. La deuxième enceinte est une salle ornée d’arcades au style mauresque et fait fonction de vestiaire. La troisième salle est nommée « bit eskhouna » ou chambre chaude. La température y varie entre 40° et 60°, saturée à 100% d’humidité. Dans les bains traditionnels, on y trouve deux bassins, un pour l’eau chaude et l’autre pour l’eau froide. Les femmes sont censées ramener avec elles un seau, afin de puiser l’eau.
Dans les régions du centre, ce seau porte le nom de « mahbess ». Dans les bains modernes, les deux bassins sont supprimés et remplacés par un socle, communément appelé « sorra » et des petits éviers en marbre avec des robinets d’eau chaude et froide, épargnant ainsi aux baigneuses l’effort d’aller chercher l’eau. En tant que lieu public, le hammam est presque l’unique endroit où il n’existe aucune distinction sociale.
Toutes les catégories s’y côtoient. Mis à part le bain, le principe premier du hammam est de s’extraire de son quotidien, surtout de se détendre.
(http://www.algerie-monde.com/actualite/article5127.html)
Le Hammam...Les Baigneuses...
Des Baigneuses d’Ingres aux Odalisques de Matisse, ces " Schéhérazades" des mille et une nuits, belles et lascives, ont nourri l’imaginaire occidental et leurs rêves d’orient…
Ces scènes de bains, intimité volée du monde des femmes où se meuvent des corps humides en une danse charnelle…
De cet espace oriental des Peintres, absents sont les enfants. Forme de pudeur, de respect, ils sont éloignés de leurs fantaisies.
Mais dans mes fenêtres de souvenirs, nous étions là… Partageant ce rituel ancestral qui rythmait la vie des familles.
J’ai donc pénétré la pénombre de ces Bains parfumés où le son cristallin de l’eau se mêle aux paroles chuchotées dans un univers hors du temps, loin du tumulte de la rue…
Un univers de femmes laissant tomber au sol leurs bouts de tissu pour devenir ces Baigneuses enveloppées d’une vapeur épaisse disparaissant peu à peu...et que seul un rayon de lumière filtrant la voute percée du plafond faisait réapparaitre.
A tour de rôle, elles s’enduisaient de produits magiques et leurs mouvements au ralenti dévoilaient le relâchement...l'abandon...
Michelle Karoubi
Hammam...
Par Roger Dadoun In « Une enfance Algérienne » Textes recueillis par Leila Sébbar Editions Gallimard 1997 publié le 30 novembre 2015
Et puis, bien vite, on ferme boutique : « A nous maintenant le bain maure », dit Juddaléon. Le hammam est tout proche. C’est Shem, pressé qui pousse la porte aux vitres multicolores, surmontée d’une clochette tintinnabulante. Dans le couloir d’entrée, aux murs recouverts d’azulejos d’un bleu délavé, il hume, promesse de l’imminent bonheur, l’odeur sui generis du hammam qu’il perçoit avant tout, par delà les relents de savon, de sueur, d’eau de Cologne, de linges, de vieux bois ou de paillasses, comme l’odeur de l’humide même. Père et fils se déshabillent sur les couches qui occupent, alignées en hauteur, toute la largeur de la mezzanine. Shem se ceint du pagne en grosse toile écrue remis en l’entrée, et dévale sans plus attendre l’escalier glissant. Il veut affronter seul le lourd battant en bois massif dont l’ouverture est réglée par une énorme boule de bois retenue par une corde et que signalera, d’un bang puissant, la fermeture automatique. Il s’installe devant le petit bassin de pierre que deux robinets, eau chaude et eau froide, ouverts à fond, font déborder – jeux d’eau qui vont rythmer le temps qui s’écoule. Après que son père l’a lavé, avant de s’en remettre lui-même aux mains du masseur kabyle, il plaque sur sa tête le rassoul qui rendra les cheveux soyeux et s’amuse à comptabiliser les grands « ah » paternels scandant le craquement des articulations. Bientôt, malgré l’exquise eau fraîche dont il s’inonde, la chaleur, pour Shem, n’est plus supportable. Frappant le sol avec sa timbale de fer, il appelle le garçon de bain, chargé d’apporter les serviettes. Après la salle aux vapeurs torrides, la vaste pièce de repos offre sa fraîcheur sereine, matérialisée par son jet d’eau, au centre, et son assortiment d’oranges, de clémentines et de petites bouteilles de limonade. Shem s’allonge sur sa couche, le garçon le couvre d’une fouta en coton léger. Yeux mi-clos, corps humide et tiède enfoui sous les serviettes bien sèches, sur un tapis magique plane Shem. La clarté dispensée par une petite lucarne qui va s’obscurcissant fait la pénombre irréelle. Le silence est à peine rompu par la monotone retombée de l’eau et les propos qu’échangent, à voix basse, en arabe, en kabyle et en français, garçons de bain et clients. Shem se laisse bercer par ces étranges volutes de langues : le flux liquide du kabyle, tout en glissades et roucoulements, semble contourner ou esquiver les quelques aspérités rauques et rocailleuses de l’arabe, tandis qu’entre les deux langues indigènes s’insinuent, de façon inattendue, mots et expressions en français. Un garçon de bain monte parfois dans la mezzanine avec une natte en rafia et s’accroupit, en direction de la Mecque, pour la prière. Juddaléon, rentré du bain, pousse un petit somme. Le temps maintenant se fait bien lent pour Shem. Il déguste, du doigt, la tablette de chocolat que la chaleur a fondue en une pâte succulente, et il se désaltère à même la petite bouteille – la « bille »- de limonade fraîche qu’il a commandée du haut de son branlant perchoir.
Il fait sombre, bien sombre quand ils sortent, régénérés, du hammam. Après être passés à la maison pour déposer leurs affaires, ils se hâtent vers la synagogue tout illuminée. Les prières vont bon train. Du haut de la chaire, le grand rabbin fait son sermon : « Mes frères, mes sœurs, la révélation sinaïque … ». Eclatent enfin, clôturant la longue odyssée pré-sabbatique de Shem, les premières paroles du Yrdal. Tandis que Shem se précipite pour baiser la main d’ivoire du grand rabbin hiératique sur son siège, les fidèles rangent vite leurs tefiloth, s’étreignent et se congratulent et se font offrande de tabac à priser – le tout accompagné d’inauguraux et fervents Shabbat Chalom.
Le hammam jadis
par Claude S.
http://les-souvenirs-de-claude.e-monsite.com/pages/iv-constantine/le-hammam-jadis.html
Le hammam n’était fréquenté que par des femmes arabes –la majorité – et juives.
Dans ma petite enfance, j’avais le bain maure en horreur. Celui que j’ai connu ne correspond absolument pas du tout à l’image idéalisée, esthétisante, érotisante, aseptisée mais fictive et occidentalisée qu’en donnent les peintres dits « orientalistes ».
Une fois poussée l’énorme porte en chêne avec un anneau métallique, poisseuse d’humidité, on était pris de suffocation dans une vapeur opaque, trop chaude.
La vapeur d’eau bouillante s’élevait d’une immense cuve la "borma" sans cesse alimentée par des « négresses »* avec des baquets d’eau froide puisée dans une autre cuve.
Les hautes voûtes sombres renvoyaient en écho un brouhaha continu. Des trous dans la longue voûte en berceau laissaient filtrer un jour avare et, en entrant, on distinguait à peine les groupes de femmes assises sur des tabourets bas qui émergeaient peu à peu du brouillard. Dans la lumière blafarde, des ombres de femmes nues parfois couvertes d’un simple pagne, « foutah » souvent rouge à bandes noires, circulaient fantomatiques.
Un cercle de l’enfer de Dante !
Des femmes noires sans âge, énergiques, très maigres, aux membres noueux, nous frottaient le corps avec de l’alfa et du savon et la tête avec du « ghassoul », cette argile minérale naturelle, saponifère, extraite des montagnes de l’Atlas marocain, devenue aujourd’hui à la mode, ou du savon de Marseille puis rinçage à l’eau vinaigrée. Elles nous briquaient, leurs mamelles sèches pendantes oscillant à chaque secousse.
Des femmes s’épilaient avec une pâte verdâtre, soufrée, malodorante dont elles s’enduisaient tout le corps.
Les chevelures étaient recouvertes d’une pâte de henné qui coulait en traînées rouges sur les fronts et les cous dégoulinant de sueur.
On glissait sur un sol gras et mouillé qui charriait en permanence de l’eau savonneuse et des touffes de cheveux. L’humidité rongeait tout. Des odeurs de soufre et d’égout flottaient partout.
Mais j’appréhendais surtout le rinçage final et l’eau puisée dans un baquet de bois fumant déversée sur ma tête avec une « tassa » en cuivre. J’avais du savon et de l’eau plein les yeux et le nez. Je pleurais, je me débattais, mais la femme me tenait en étau entre ses genoux.
Plus tard, adolescente et adulte, j’ai aimé le bain maure et la sensation d’être lavée de tout, purifiée, ressourcée après une séance d’intense transpiration et de rinçages abondants répétés. Je me suis même prêtée parfois aux massages de ces femmes, malheureuses esclaves venues de l’Afrique subsaharienne, qui pratiquaient aussi les massages, à même le sol, après avoir balancé, d’un geste ample, un plein seau d’eau, pour faire place nette.
Je ne réalise qu’aujourd’hui la dure condition de ces femmes, contraintes d’accepter ce « gagne-misère » qui desséchait leurs chairs et momifiait leur peau noire.
Après la guerre, de petits bassins de pierre individuels, parfois avec robinetterie, avaient remplacé les baquets de bois cerclés de mon enfance. L’espace avait été un peu compartimenté et, me semble-t-il, l’hygiène mieux respectée.
Commentaires
Bonjour,
Depuis quelques jours je sens une odeur de Henné sur les mains sachant que je n'en ai pas mis depuis des mois , pouvez vous m’interpréter cette odeur soudaine sur les mains?
Merci
Vous faites un grand travail de mémoire qui nous montre que nous avions le même langage, les mêmes visages, les mêmes costumes et les mêmes coutumes. Le décret Crémieux a fracturé la société algérienne mais après tout la nationalité française avait été proposée aux musulmans, qui l'ont refusée parce qu'ils préféraient conserver leurs ( énormes ) privilèges sur les femmes au lieu de renoncer à leurs iniques lois islamico-tribales. Les juifs, eux, n'avaient pas leurs tendances oppressives contre les femmes et donc n'ont vu aucun inconvénient à devenir des Français d'autant plus qu'ils avaient dans leurs coreligionnaires en France de fiers modèles à suivre. Ils auraient eu tort de ne pas saisir la perche qui se tendait vers eux pour élever leur condition d'indigène. Il n'y a donc aucun ressentiment à avoir chez les musulmans contre les juifs heureux bénéficiaires du décret Crémieux. Jusque là les juifs d'Algérie à la poursuite du bonheur ont droit à toute ma sympathie.
Jusque là parce que malheureusement, c'est avec Israël que tout se gâte...
Le verre d'eau existe chez les Algériens qu'ils soient Juifs, Berbères ou Arabes on le verse derrière la personne afin quelle reviennent de son voyage ou peut importe l'endroit ou elle se rend.
Quand au Hammam Paule ATLAN explique avec précision les salles qu'ont traversées jusqu'à la salle chaude. Malheureusement tout çà n'existe plus, les beaux tapis n'existent plus, les brioches et le Crush n'existent plus.
Je me rapelle très bien du Hammam dans les années 1950 ou j'allais avec ma mère, les femmes arrivaient avec leur valises dans lesquelles il y a leur vetements propres, la TASSA en cuivre, le MREK, les FOUTAS (grandes serviettes), le long bonnet en tissu brodé dont vous parlez, c'est la BNIKA, certaines ramènent avec elle le MEHBES en cuivre et surtotu les mariées ou les nouvelles mariées mais cette belle époque n'existe plus.
Moi personnellement j'allais avec ma mère au HAMMAM de Belcourt un très beau HAMMAM l'entrée est faite de très belle faience ensuite une porte battante et c'est la plus grande salle avec ses très beaux tapis, des poutres en larbres et des barres entre les poutres pour que les femmes quand elles sortent elle étendent leur Grandes serviettes (foutes de sortie) car il y a la fouta en soir pour entrer dans la salle d'eau et la fouta de sortie , drap de bain.
Les étagères ou l'ont rangent nos chaussures et ou poser les valises, un comptoir ou il y a la propriétaire du HAMMAM, derrière elle il y a du savon, de la pate à épiler, de la limonade et des brioches.
Ensuite comme vous le préciser très bien, il y a une première pièce avec une porte battante on trouve un banc en marbre une glace car cette et de l'autre coté il y a des toilette , ensuite une autre pièce avec un bac deux banc en marbre qui est moyennement chaude ou les femmes sorte pour mettre leur henné et se reposer et là il y une porte en bois et qu'en on ouvre cette porte on trouve un grand halle et deux bassins séparés avec chacun deux robinets ce halle c'est pour les personnes qui ne supportent pas trop de chaleur et en poussant la dexième porte de ce halle ont se retrouve dans la grande salle chaude avec des bassins individuels eau chaude et froide, c'est des saridjs et au centre de la salle chaude il y a un bloc carré qui dégage la chaleur qu'on appelle la pierre chaude ou les femme s'allonger sur leur dos comme pour soulager leur douleurs. et il y a deux autres petites salles chaudes pour les mariées car la mariée ne doit pas etre avec les autres personnes.
Il y aussi les KIYASSETTES des femmes qui nous massent et nous lavent le dos et qu'on paye. Et chez les hommes ils les appellent les MOUTCHOUS. Et les oranges étaient suculente et rafraichissantes surtout dans la salle chaude ou à la sortie.
Il y a d'autres types de HAMMAM à Tlemcen et a Blida ou on doit prendre des bidons avec nous pour allez cherchez l'eau chaude et froide d'un bassin et remplir des bassines en plastiques car il n' a pas de bassins individuels et c'est très fatiguant de faire le va et vient pour remplir les grandes bassines, c'est très épuisants, la seul chose qu'il y a en plus dans ces HAMMAMS par rapport de ceux d'Alger c'est qu'ils ont des morceaux de bois comme des tabourets.
Les meilleurs HAMMAMS étaient ceux d'Alger mais hélas tout à changer, les HAMMAMS ne sont plus comme avant les anciens Algérois ne s'y rendent pas comme avant, car il y a trop de vols, si on vous vole pas votre paire de chaussure, on vous vole un vetement, les femmes ne se rendent plus avec les beaux vetement, plus de bijoux, meme les TASSATES on les a misent de coté car on nous les voler et bien on préfèrent prendre une TASSA en plastique meme le shampoing on ne prend pas tout le flacon juste ce dont en a besoin, et c'est devenu sale du faite qu'il y a des personnes avec la chaleur elles dégagent meme l'odeur du pipi, le HAMMAM depuis la fin des années 1970 n'est plus comme avant ce n'est plus comme avant avant je me rappelle avec ma mère on se rendaient au HAMMAM deux fois par mois, et après je me rendait avec mes petites amis chaque semaine (fin) de semaine vu qu'on travaillent et bien on se donnent rendez-vous c'était la belle vie mais depuis on y va plus.
Moi personnellement ceux là fait 14 ans que je n'est pas mis les pieds dans un HAMMAM car il n' y plus de charme.
Mais ce que vous racontez et tout à fait cette belle époque que tout le monde regrette.
Louisa
Ce verre d'eau.
j'ai été très surpris quand j'ai vu un ami Arménien jeter ce verre d'eau derrière la voiture de sa fille qui s'en aller.
je lui ai dit que cette coutume était Algérienne. Lui m'a soutenu que cette coutume était Arménienne.
Ah le fameux verre d'eau ! Je l'aimais car il semblait me protéger du mal. Aujourd'hui, je le fais à mes enfants...Si l'un d'entre eux part à 5 ou 6 heures du matin, je suis la sentinelle qui veille pour ne pas oublier...et me voilà tranquille !!!
J'espère qu'ils le feront à leur tour...
Commentaires (2)
- 1. | 11/10/2020
- 2. | 30/12/2015
Merci
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Date de dernière mise à jour : 15/06/2021
Mais avant l'indépendance les plus beaux hammams était ceux d'alger franchement.