Les négociants juifs en Afrique du Nord avant la conquête française

Les négociants juifs en Afrique du Nord avant la conquête française

Par Richard Ayoun

Les négociants juifs installés dans les ports de l 'Afrique du Nord constituent une élite sociale, qui entend se distinguer des Juifs indigènes, par sa prétention à être différente d'eux. Aussi se font-ils appeler « les Livournais », ce qui signifie tout à la fois qu'ils sont des Juifs «francs» c 'est- à-dire européens et qu 'ils appartiennent à une aristocratie marchande. De fait, ces « Juifs de la mer » ont réussi à faire de leur installation dans les ports de l'Afrique du Nord, principalement ceux des côtes méditerranéennes, la base d'une activité commerciale conquérante. N'ayant rien oublié des techniques commerciales déjà utilisées avant leur installation dans le refuge maghrébin, pratiquant plusieurs langues, la langue du pays, l 'arabe, mais aussi l 'espagnol et le portugais, auxquels ils restent fidèles, ils ont su s 'adapter à la vie des pays où ils se sont installés. Servant les princes maghrébins et utilisant leur protection et les bonnes relations, qu 'ils ont avec eux, à des fins commerciales, ils réussissent à jouer un rôle important dans les relations entre le Maghreb et l'Europe. Ils ont incontestablement contribué au développement de l 'activité commerciale du Maghreb.

Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 87, n°326-327, 1er semestre 2000. Les Juifs et la mer, sous la direction de Richard Ayoun.

 

Homme juif d algerie 1

Un exemple emblématique des négociants juifs  d’Algérie

 

DAVID BEN JOSEPH COEN BAKRI

Par : Gotthard Deutsch et  Isaac Broydé traduit de l’anglais par Jacques Karoubi

Ses grandes capacités financières le placèrent très tôt à la tête de l'importante entreprise «Bakri frères», fondée par son père Joseph Coen Bacri. En 179, David épousa Aziza, une nièce du puissant Naphtali Busnash, qui devint alors associé de l'entreprise. Celle-ci prit alors le nom de «Bakri Busnash». Soutenu par la régence, qui n'était qu'un outil entre les mains de Busnash, et habilement géré par David, l'importance des transactions de l'entreprise atteignit les proportions très élevées. Leurs vaisseaux labouraient les mers; et de nombreux gouvernements européens leur confiaient la gestion  de leurs avoirs monétaires en Algérie. À plusieurs reprises, ils osèrent défier le gouvernement britannique en achetant à des corsaires français les navires qu'ils avaient capturés aux alliés. Pendant la pénurie en France, ils ont fourni à cette dernière une quantité considérable de blé à crédit; et sur leur avis, le dey autorisa un prêt au Directoire français de cinq millions de francs, dont le crédit leur fut finalement transféré. Le  non règlement de cet emprunt par la France fut responsable du fameux « coup d’éventail » par le Dey et amena une trentaine d'années plus tard la rupture définitive entre la régence et la France, et enfin la conquête de l'Algérie par les Français.

 Après l'assassinat de Busnash et les émeutes anti-juives qui l'ont suivi, la firme «Bakri Busnash» devint insolvable; et David lui-même fut jeté en prison sous prétexte que la firme devait à la régence une somme de cinq millions de francs.

Libéré de sa promesse de payer la dette présumée, il rapidement constitua la société «Bakri», grâce à l'aide qu'il reçut de plusieurs gouvernements européens pour les services qu'il leur avait rendus. Il réussit même à gagner la confiance du nouveau dey, qui le nomma en 1806 chef des Juifs algériens. Ce poste lui fut fatal. Son ennemi irréconciliable, David Duran, qui convoitait ce poste, était sans scrupules dans ses efforts pour saper la position de Bakri. Ce dernier fut accusé de haute trahison et décapité.

A la mort de son fils David, Joseph Coen Bacri (1) reprit la direction des affaires de l´entreprise et fut nommé par le dey Président de la Communauté juive d’Algérie. Cette dignité, si prodigieuse pour son fils, lui apporta aussi le malheur. 

En 1816, il fut banni d'Algérie et ses biens confisqués par le dey. 

Par la suite, il déménagea  à Livourne où il passa les dernières années de sa vie sans ami et dans la pauvreté.

 

(1)  Joseph Coen Bakri, riche négociant, fut le responsable de la communauté juive d’Algérie. Né à Alger au milieu du XVIIIe siècle, il mourut à Livourne en 1817. Il fut le fondateur de la célèbre entreprise «Bakri Frères», qui joua un si grand rôle dans la politique algérienne pendant un demi-siècle. 

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Lettre en français signée en lettres hébraïques, de Joseph Coen Bacri adressée à son commis Simon Aboucaya à Paris. Alger, 20 août 1796.

Lettre d'un homme d'affaires juif concernant le gouvernement d'Alger et les places de Gènes et de Londres. La famille juive Coen-Bacri avait monté un important consortium commercial à Alger et fut un des fournisseurs de blé du Directoire, lequel n'honora pas sa dette. Cette dette fut transférée au dey d'Alger qui la réclamerait encore en 1830, lors de l'affaire du coup d'éventail à l'ambassadeur qui déclencherait l'expédition française.

Source Gazette de Drouot

Lettre de joseph coen bacri a son commis 20 aout 1796

 

 

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Date de dernière mise à jour : 21/12/2020