Résumé historique sur la résistance nord-africaine
RÉSUMÉ HISTORIQUE SUR LA RÉSISTANCE NORD-AFRICAINE ET LE DÉBARQUEMENT ALLIÉ DE 1942
(DOCUMENT DE LA COMMISSION DE LA RÉSISTANCE NORD-AFRICAINE)
Le 8 Novembre 1942, les Alliés débarquaient en Afrique du Nord. Leur entreprise était audacieuse, car ils devaient opérer un débarquement massif à deux ou trois semaines de leurs bases au-delà d'un océan infesté de sous-marins et sur un théâtre d'opérations au voisinage de l'ennemi. L'entreprise eut été folle, et elle était condamnée d'avance, les faits l'ont montré, si les Alliés n'avaient reçu le concours de la Résistance nord-africaine. Or, les vastes conséquences politiques et militaires de cette entreprise, si claires maintenant, montrent combien son échec eut affecté le plan de guerre des Alliés. La Méditerranée passait sous le contrôle de l'ennemi, l'Italie restait dans la guerre, les forces de la Résistance Balkanique étaient écrasées, la Turquie cédait peut-être aux menaces de l'Axe et l'Allemagne pouvait, dès lors, poursuivre sa marche vers le Caucase et le Moyen-Orient. Rien de tout cela n'est chimérique et c'est pourquoi la Résistance nord-africaine mérite une place de choix dans les fastes de la Résistance française.
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Lorsqu'en Juin 1940, le Gouvernement du Maréchal Pétain signe l'Armistice, l'Afrique du Nord toute entière est alors animée, on doit le dire, de l'esprit de Résistance. Et quand, dans un télégramme adressé au Général Weygand, Commandant en Chef le théâtre d'opérations, exprime l'avis qu'il est possible de continuer longtemps la lutte en Afrique du Nord, les Assemblées élues des trois pays, appuyées par l'opinion publique, s'offrent pour l'aider dans cette tâche et les autorités françaises d' A.O.F. et de Syrie lui proposent leur concours. Cependant, ces velléités s'éteignent vite, d'autant plus rapidement que la flotte se refuse, et le vibrant appel du Général de Gaulle est finalement sans écho dans cette partie essentielle de l'empire où subsistent tant de ressources qui resteront désormais inemployées pendant plus de deux ans. Mais cette défaillance du Haut-Commandement laisse beaucoup d'amertume chez les patriotes . l'exemple des Français-Libres, commenceront, d'abord en ordre dispersé, à préparer la rentrée de l'Afrique du Nord dans la lutte aux côtés des Alliés. Leur action rencontre de grandes difficultés car bientôt une large fraction de l'opinion, intoxiquée par la propagande de Vichy, orientée vers le conformisme par une tendance naturelle de l'esprit public dans ces pays et séduite aussi par certains aspects de la Révolution Nationale, accepte peu à peu l'idée de la collaboration et manifeste un loyalisme marqué à l'égard du Gouvernement du Maréchal. Cette soumission à l'égard de Vichy est particulièrement sensible dans les forces militaires et nul ne dira jamais trop le courage déployé par les Officiers patriotes pour résister à la pression qu'ils eurent à subir dans l'armée de l'Armistice d'Afrique.
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Dès 1940, de petits groupes de Résistance se constituent ainsi çà et là, dans les trois pays de l'Afrique du Nord. Aucune liaison n'existe entre eux; chacun poursuit séparément son action. Les uns font de la propagande et diffusent des tracts clandestins, d'autres organisent de petits groupes de choc, d'autres enfin prennent contact avec les Services de Renseignements Alliés imaginant souvent par cette voie atteindre le Général de Gaulle qu'on tiendra écarté de l'Afrique du Nord malgré les efforts que déploient à Tanger le Capitaine Charles Luizet et le Commandant Truchet. A la fin de 1940, l'Amérique, qui a compris la valeur de la plate-forme africaine, installe en Afrique du Nord, une mission économique dirigée par Mr Robert Murphy, Délégué personnel du Président Roosevelt. Bien sûr, il s'agit pour elle de ravitailler ce pays, mais en fait, on cherche des contacts politiques et militaires. C'est ainsi qu'au début de 1941, quelques Officiers témoins de la réserve opposée par le Général Weygand aux ouvertures américaines, établissent le plan d'une intervention éventuelle des Alliés en Afrique du Nord combinée avec le réarmement de l'armée de l'Armistice. Mais, dénoncés par un camarade, deux d'entre eux, le Commandant Beaufre du Cabinet de l'Amiral Abrial Gouverneur-Général de l'Algérie et le Commandant Faye, Chef du 3ème Bureau du Commandement Supérieur de l'Air en Afrique du Nord sont arrêtés, transférés en France et condamnés; le Lieutenant-Colonel Jousse, ancien Chef du 3ème Bureau du Théâtre d'Opérations de l'Afrique du Nord échappe de justesse. Mais cet incident ne décourage pas les Résistants et leur action se développe patriotes ont créé une organisation de Résistance dès 1940; ils travaillent en liaison étroite avec les Services de Renseignements Alliés et s'orientent bientôt vers le sabotage des navires ennemis. Mais leurs succès les font découvrir et vers le milieu de 1941, onze d'entre eux sont arrêtés. Cependant, en automne, la Résistance se reforme; les groupes Tardy et de Roquemaure se consacrent à la recherche du renseignement pendant que le Colonel Rimebruneau, en relation avec les Américains, prépare avec Costa, Tomasini et Alquier, la mise sur pied de groupes de choc destinés à entrer en action pour aider l'intervention Alliée le moment venu.
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Au Maroc, la Résistance qui s'affirme également dès 1940, se développe rapidement au cours de 1941, André Valabregue et ses amis constituent une organisation de choc dite "Coopération à la lutte contre l'Axe" qui agit en liaison avec les Américains. Le groupe Kairouedan s'emploie surtout à favoriser les départs clandestins pendant que les groupes Funck Brentano et Parent se consacrent à la propagande ou au renseignement. Au début de 1942, le Colonel Lelong s'efforce même de fédérer tous les groupes de Résistance, mais dénoncé par son imprudence même il doit passer en Angleterre. Cette Fédération ne sera pas réalisée. Toutefois, le Contrôleur Civil Roger Gromand, qui sera plus tard l'Adjoint du Général Béthouart, parviendra à réaliser le noyautage du Contrôle Civil du Maroc.
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En Algérie, la Résistance devait prendre une large ampleur. A Oran, dès le milieu de 1941, une organisation est déjà montée tant pour renseigner les Alliés que pour appuyer leur action s'ils étaient amenés à intervenir. Le Colonel Tostain, Chef d'État-major de la Division qui accepte "de prendre la tête de l'organisation" assumera courageusement cette responsabilité jusqu'au débarquement. Il a auprès de lui, à son état-major le Lieutenant de Réserve Henri d'Astier de la Vigerie qui tiendra une place considérable dans la Résistance nord-africaine et entre dès cette époque en relation avec les organisations du Maroc, le Capitaine Jobelot, René Brunel, Chef des Transmissions, l'Abbé Cordier et le Père Théry. L'organisation organisés par Roger Carcassonne un industriel, Jean Moine, Pierre Smadja, Labat, Brosset, Salas, Ségura. En dehors de cette organisation, se sont constitués des groupes qui travaillent essentiellement avec les Services de Renseignements Alliés sous la direction de Ragache et Ciorgi.Dans la région de Constantine, Paul Schmitt et Michel Rouze dirigent un réseau de renseignements qui fonctionne au profit des Alliés. A Philippeville, Émile Gianfarani organise un groupe de sabotage : des "Compagnons de la Libération Française". Plus tard, le Colonel Flipo se préoccupe de constituer des éléments de choc et le Colonel Lorber, Commandant la Subdivision de Bone acceptera de faciliter éventuellement le débarquement Allié.
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A Alger, le Commissaire Achiary qui dirige la Brigade de Surveillance du Territoire chargé du contre-espionnage, poursuit, depuis l'Armistice une action intense. Il a monté un attentat contre la Commission de Contrôle Italienne, égaré l'enquête dans l'affaire Beaufre et se tient en contact avec le Lieutenant-Colonel Jousse, le Commandant Dumoncel, le Colonel Vette et L'Hostis, ce dernier, jeune ingénieur, dirige un réseau de renseignements et dispose d'une liaison-radio avec les Alliés. Marius Faivre, un jeune qui n'a pas dix-huit ans organise avec le Lieutenant Darridan, un groupe dont le Capitaine Pillafort acceptera le Commandement quand il arrivera en Afrique du Nord. Aux Chantiers de Jeunesse, Van Hecke, Chef Régional pour l'Afrique du Nord met courageusement au service de la Résistance toutes les possibilités que lui offre le poste qu'il occupe, soit qu'il appelle auprès de lui des patriotes, soit qu'il couvre leur activité de son autorité, soit qu'il leur donne les moyens d'action nécessaires. C'est ainsi que servent sous ses ordres dans les Chantiers Henri d'Astier, Beyler, Watson et de Freydaigue. Van Hecke exerce d'ailleurs une grande influence sur ses jeunes et son action sera essentielle dans la préparation de la Résistance nord-africaine. Bouchara, André Temine et Atlan créent une Société de Culture Physique dès Novembre 1940. En fait, il s'agit de préparer des groupes de choc; ces éléments gaullistes encadrés par des Officiers de Réserve tels que Fredj, Jais, Zermati et Dreyfus fourniront une part notable des volontaires du 8 Novembre. D'autre part, le Commandant Bouin, chargé de la démobilisation des prisonniers et évadés s'adonne activement au recrutement d'éléments Résistants en liaison solides petits noyaux de Résistants et s'efforce de fédérer les organisations civiles d'Alger pendant que son ami Pierre Alexandre, très lié avec Marcel Felus recrute parmi les Alsaciens, ses compatriotes, et les Espagnols républicains réfugiés. Le groupe "Combat" se consacre surtout à la propagande sous l'impulsion du Professeur Capitant, du Colonel Tubert, du Docteur Duboucher, du Colonel Grossin, Fradin et Kadji; son rôle deviendra capital après le débarquement. Enfin, Éscoute dirige un réseau de renseignements en liaison avec les Services de Renseignements Alliés.
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Ainsi au fur et à mesure que Vichy augmente son emprise, la Résistance se durcit mais ses efforts restent dispersés. Bientôt vers la fin de 1941 les événements vont susciter à Alger des initiatives qui permettront d'unifier son action et de lui assurer l'appui des Alliés. L'accroissement des exigences allemandes et la soumission systématique de Vichy risquent en effet, de mettre en péril l'A.F.N. et il importe de préparer activement l'éventualité d'une dissidence qui sauvegarderait cette partie essentielle de l'empire et lui permettrait de rentrer dans la guerre aux côtés des Français-Libres. De plus, les Américains engagés dans le conflit par l'agression nipponne, marquent maintenant un intérêt croissant aux affaires méditerranéennes.C'est dans ces circonstances que par l'intermédiaire d'Achiary et de L'Hostis, se forme à Alger un groupe, sorte de directoire, qui s'efforcera de négocier avec les Américains et de fédérer la Résistance nord-africaine. Au début de 1942, ce groupe est constitué. Il comprend cinq personnes : Lemaigre-Dubreuil, industriel, qui a déjà été mêlé à l'affaire Beaufre au début de 1941; Rigault Journaliste, son Secrétaire; Van Hecke; Henri d'Astier de la Vigerie qui vient d'être affecté aux Chantiers de Jeunesse; Tarbe de St Hardouin, Conseiller d'Ambassade en disponibilité. Aucun d'eux n'exerce la direction, mais Lemaigre-Dubreuil n'hésitera pas à prendre des initiatives qui engageront le groupe sans qu'il ait été consulté. Cependant, si les attributions ne sont pas nettement définies, Lemaigre-Dubreuil et de St Hardouin se consacrent surtout aux négociations; Van Hecke et d'Astier à l'organisation de la Résistance et Rigault à la recherche des renseignements et aux liaisons sans négliger d'ailleurs aucune des formes d'activité des membres du groupe. Auprès d'eux le Lieutenant-Colonel Jousse est le Conseiller Militaire du groupe.
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Quand le groupe engage des négociations avec les Américains, il n'entend pas faire entre les Alliés une sorte de choix marquant une exclusive quelconque. Cependant on ne peut négliger les préventions que suscite la propagande vichyste contre les Britanniques et les Français-Libres, et on espère que le drapeau étoilé sera le meilleur ralliement pour entraîner l'empire dans la guerre. D'autre part, l'armée qui a combattu en Syrie vient d'être rapatriée en Afrique du Nord et ses Cadres manifestent une vive hostilité à l'égard du Général de Gaulle. Enfin, il est pratiquement impossible d'atteindre le Comité National de Londres qui n'a pu établir une liaison effective avec le pays
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Avant même que le groupe ne soit constitué, le Lieutenant-Colonel Jousse a établi une note en vue de la reprise des négociations interrompues depuis plusieurs mois avec les Américains. Cette note remise à Mr Murphy en Décembre 1941 par Lemaigre-Dubreuil, comporte un long exposé politique et militaire de la situation. Elle examine les possibilités de l'ennemi, celles des troupes de l'Afrique du Nord, souligne l'urgence des ravitaillements nécessaires, puis, ayant confronté ces données, précise que :
" La situation pourrait être jugée favorable si l'ennemi de Libye était détruit ou fixé par une action anglaise et si un tonnage important de matériel de guerre avait pu pénétrer sans encombre en Méditerranée." "Or, une telle situation ne peut résulter d'une riposte laissant à l'adversaire tout le bénéfice de la primauté d'action". "Il faut donc", poursuit-elle, "prendre l'initiative pour gagner du temps, surprendre l'ennemi, s'opposer à ses réactions ou les éviter, en un mot, créer la situation militaire que nous désirons".
Cette note fixe également les besoins en matériel nécessaire à l'armée d'Afrique et précise la participation militaire Alliée à prévoir pour l'intervention envisagée.
Au début de Février 1942, le groupe des Résistants presse les Américains de donner leur accord de principe à ces propositions et remet à cet effet, une nouvelle note inspirée du souci de ne pas heurter la politique américaine qui à ce moment paraît désireuse de ne pas rompre avec Vichy. Cependant, à la fin de l'hiver 1942, la situation de l'Axe s'est grandement améliorée en Méditerranée et si la pression allemande sur le Gouvernement de Vichy rend plus que jamais nécessaire de préparer l'éventualité d'une dissidence de l'Afrique du Nord une telle opération ne saurait être entreprise désormais avec chance de succès, sans un puissant concours militaire extérieur. Les prévisions de Décembre sont dépassées et une nouvelle note établie par le Conseiller Militaire du groupe est remise aux Américains par Van Hecke en Mars 1942. Cette note expose la nécessité d'un appui militaire important, souligne à nouveau l'obligation de prendre l'initiative, le moment venu, et fixe les bases générales d'une intervention militaire en Afrique du Nord dont s'inspireront les Alliés pour préparer le plan des opérations qu'ils exécuteront quelques mois plus tard. Cette note est capitale dans l'histoire des négociations militaires qui ont précédé l'arrivée des Alliés mais comme les précédentes elle allait rester pratiquement sans réponse. Les Américains, en effet, hésitent encore; d'ailleurs, malgré tout l'intérêt qu'ils témoignent au groupe des Résistants avec lequel ils poursuivent les conversations, ils veulent obtenir le concours d'une personnalité Française dont le prestige et l'autorité seraient suffisants pour déterminer en temps opportun le ralliement spontané de l'Afrique du Nord à leur cause. C'est ainsi que s'ils écartent le Général de Gaulle pour des raisons d'opportunité, ils tentent sans succès en Mars 1942 une nouvelle démarche auprès du Général Weygand qui après son rappel d'Afrique du Nord s'est retiré dans le Sud de la France. Sans doute, le groupe des Cinq multiplie ses efforts et renforce chaque jour l'organisation de la Résistance et de ses moyens d'actions, mais les Américains, toujours à la recherche du chef possible, continuent de se montrer réservés. C'est dans ces conditions qu'en Mai 1942, le "Groupe des Cinq" estimant indispensable de mettre fin à ces manoeuvres dilatoires fait connaître à Mr Murphy sa décision de cesser tout effort de coopération franco-américaine si dans un délai de 20 jours un engagement précis n'a pas été pris par l'Amérique.
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C’est alors qu'on apprend l'évasion retentissante du Général Giraud. "Le Groupe des Cinq" décide de lui offrir de prendre la tête de l'organisation. Pressenti au mois de Mai par Lemaigre-Dubreuil, puis visité par Mrs Rigault et Van Hecke, il accepte de prendre le moment venu, le commandement en Afrique du Nord et d'être en somme le chef de la dissidence éventuelle. Mais ses vues dépassent largement le théâtre africain qu'il juge secondaire et s'il accepte volontiers l'idée d'un débarquement en Afrique du Nord, il pense surtout au théâtre européen, et il voudrait que simultanément se constituât dans la Métropole une tête de pont française avec l'armée de l'Armistice repliée, afin dit-il de "matérialiser l'indépendance française, assurer les communications françaises avec l'Afrique du Nord et permettre ultérieurement la constitution d'un deuxième front européen". Ce plan est prématuré et dépasse évidemment les possibilités de l'heure car, en 1942, les Alliés ne peuvent s'engager que sur un théâtre secondaire, hors d'Europe, où leur supériorité aéronavale pourra s'exercer avec avantage. D'ailleurs, il paraît difficile d'imaginer que l'armée de l'Armistice de la Métropole, puisse se regrouper dans le Sud de la France et y résister victorieusement à l'ennemi alors que les Alliés ne pourraient fournir qu'un appui limité. Quoiqu'il en soit ces projets n'auront aucune influence sur les événements ultérieurs. Cependant, en Juin 1942, le Colonel Solborg, Délégué spécial du Président Roosevelt vient enfin apporter au "Groupe des Cinq", la promesse que "l'Amérique peut et veut maintenant mener à bien l'opération" sur les bases qui ont été esquissées dans les diverses notes antérieures. Des conversations se poursuivent pendant plusieurs jours à Alger. Elles ont pour objet l'étude des problèmes politiques, militaires et économiques que pose l'opération envisagée et tendant à obtenir la reconnaissance du "Groupe" comme seul organe directeur qualifié de la Résistance nord-africaine. Des procès-verbaux et des questionnaires sont établis à cette occasion et remis au Colonel Solborg qui rentre aux États-Unis pour soumettre ces propositions au Gouvernement Américain et lui apporter en même temps la nouvelle de l'acquiescement du Général Giraud. Puis, ce sera de nouveau l'attente dans l'incertitude, et si les conversations continuent favorablement entre Mr Murphy et le "groupe des Cinq" et, en particulier, de St Hardouin, si au mois d'Août, le Colonel Eddy, autre Délégué Militaire Américain en contact avec l'État-major Interallié de Gibraltar, informe le groupe que "tout va bien", le Colonel Solborg reste silencieux malgré la promesse qu'il a faite de répondre rapidement. Cependant, le groupe poursuivit son action pour développer et unifier la Résistance. Il doit donner des directives, rechercher des renseignements, organiser des liaisons et des transmissions Van Hecke, d'Astier, Rigault se rendent dans les différents pays pour se concerter avec les chefs locaux de la Résistance, Jousse en Tunisie travaille avec le Colonel Rimebruneau et Costa. Mais en dépit de la bonne volonté de chacun, les efforts du groupe manquent d'unité et de cohésion, car, nous le savons, aucune hiérarchie n'y a été instituée. Et cette insuffisance persistera même lorsque le Général Mast deviendra effectivement au mois d'Août, le Délégué Militaire du Général Giraud en Afrique du Nord, son autorité restera, en effet, contestée, et le groupe continuera d'assumer la direction de l'action et des négociations. Cependant, nous atteignons l'automne. L'offensive d'été allemande a échoué en Russie, Montgomery se renforce en Égypte, mais aucun signal ne vient d'Amérique. Les semaines passent, monotones dans l'impatience. Brusquement au début d'Octobre, Mr Murphy rapporte d'Amérique, la nouvelle d'une intervention prochaine de puissantes forces Alliées en Afrique du Nord, et, quelques jours plus tard, il est avisé qu'une conférence d'État-major doit être organisée, sans délai, pour réunir les Officiers représentant le Commandement en Chef Américain en Méditerranée et les Officiers représentant le Général Giraud. Cette conférence avait été suggérée depuis de longs mois par le Groupe des Cinq qui estimait indispensable que les problèmes militaires que poserait l'intervention américaine fussent étudiés en commun par des techniciens qualifiés. Du côté français, la délégation va comprendre le Général Mast Délégué Militaire du Général Giraud, le Lieutenant-Colonel Jousse assurant le rôle de chef d'État-major, le Capitaine de Vaisseau Barjot technicien naval et le Commandant Dartois, Conseiller Aérien de l'entreprise depuis le printemps 1941. En prévision de la conférence, une note est préparée par le Lieutenant-Colonel Jousse en accord avec le Général Mast. Cette note, véritable mise à jour des propositions antérieures pose les bases d'un plan d'action combiné des forces Alliées et de la Résistance et indique les approvisionnements indispensables à l'Afrique du Nord pour satisfaire les besoins civils et militaires du premier mois ainsi que le matériel nécessaire au réarmement et à l'entretien de l'armée d'Afrique. Cette note souligne l'importance d'Alger, siège du Haut-Commandement dévoué à Vichy, la nécessité d'agir simultanément dans les trois pays et de subordonner les considérations d'ordre stratégique ou tactique aux possibilités de la Résistance. La conférence qui doit se tenir près de Cherchell, port situé à 100 km à l'Ouest d'Alger, est d'abord fixée au 21 Octobre, puis reportée au lendemain. Enfin, le 23 Octobre à 1 heure du matin, la délégation américaine, venue en sous-marin, débarque près de la ferme Tessier lieu choisi pour la réunion où elle est accueillie par le Colonel Jousse et Henri d'Astier. Elle comprend le Général Clarck, chef d'État-major du Général Eisenhower, le Général Lemnitzer chef du Bureau des Opérations d'État-major d'Europe, le Colonel Holmes, le Colonel Hamblen et le Commandant Gérard Wright de la marine américaine. L'organisation matérielle et la sécurité de la réunion sont assurées par Van Hecke, Henri d'Astier de la Vigerie, José Aboulker, Karsenty, Tessier propriétaire de la ferme, Queyrat, Avocat, chef de la Résistance de Cherchell, Capitaine Watson, les Lieutenants Le Nen et Michel des Douair (Police indigène) etc.… Enfin Rigault est venu pour assurer la liaison. Les entretiens durent toute la journée du 23, coupés seulement par un déjeuner pris gaiement en commun mais interrompu en fin d'après-midi par une intempestive menace de perquisition policière qui est évitée par la présence d'esprit et le dévouement de Michel et Le Nen. Le rembarquement des Américains qui s'opère au cours de la nuit suivante, donne lieu aussi à des péripéties difficiles en raison du gros temps qui s'est levé. Tous ces incidents ont été racontés et nous relatons seulement les points essentiels des pourparlers qui se sont déroulés. Au cours de la matinée, les conversations se poursuivent en Conseil restreint auxquels participèrent les Généraux Clarck et Lemnitzer, le Colonel Holmes, Mr Murphy, le Général Mast et le Colonel Jousse, puis Rigault. Sont discutés successivement les intentions américaines, les moyens d'actions envisagés, la question du Commandement Interallié, les possibilités Alliées de riposte à une initiative éventuelle de l'Axe. Au cours de l'après-midi les travaux reprennent en séance plénière, le Lieutenant-Colonel Jousse remplaçant à la tête de la délégation française le Général Mast qui a dû rentrer à Alger. Les conversations portent alors principalement sur les propositions françaises contenues dans la note préparée avant la conférence. L'attention des Américains est attirée particulièrement sur l'importance décisive d'Alger, ainsi que sur la nécessité de modeler leur action militaire, sur les possibilités de la Résistance, pour cela d'armer cette Résistance et de prendre toutes mesures utiles pour assurer avec elle une liaison étroite dans chaque zone de débarquement. Le ton des entretiens est cordial et la délégation américaine paraît accueillir favorablement toutes les suggestions. En fait, les Américains ne tiendront pas toutes leurs promesses, retenues, diront-ils plus tard, par la crainte que le secret des opérations s'en trouva compromis. C'est ainsi que la Résistance ne recevrait pas l'armement promis, que les Officiers de liaison américaine ne seraient pas envoyés et que les places de débarquement ne seraient ni communiquées à la Résistance ni adaptées à des possibilités, rendant incomplète la combinaison des actions. Ultérieurement, le Général Giraud donnerait son approbation à ces conversations dans un document intitulé "Accord de principe".
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Mais les événements se précipitent; brusquement le 29 Octobre, les Américains informent le Général Mast que le débarquement aurait lieu dans une semaine, alors qu'à Cherchell ils avaient déclaré qu'il ne se produirait pas avant un mois. Cette nouvelle met le groupe des Résistants dans une situation difficile, aussi bien pour obtenir le consentement du Général Giraud et assurer son passage en Afrique du Nord que pour réaliser la coordination des éléments de Résistance qui, tous, seront surpris par une échéance si courte et si imprévue. Le groupe adresse une violente protestation à Mr Murphy, mais aucune hésitation n'est possible et il faut agir. Le Général Giraud très mécontent, lui aussi, maintient cependant son acceptation de prendre le commandement et donne son agrément aux projets d'accords que lui apporte Lemaigre-Dubreuil. Après de multiples difficultés, il est finalement convenu que le Général, accompagné du Commandant Beaufre pourra s'embarquer pour l'Afrique du Nord sur un sous-marin le 6 Novembre à Antibes. Le Général Mast adresse les instructions nécessaires au Général Béthouart et au Colonel Tostain pendant que Rigault et d'Astier se rendent au Maroc et en Tunisie pour accorder l'action des organisations de Résistance. Mais l'échéance approche, d'immenses convois sont signalés dans le Détroit de Gibraltar et s'engagent bientôt en Méditerranée. Le Haut-Commandement Militaire en Afrique du Nord prend quelques mesures de sécurité; en silence la Résistance se met en alerte et pousse fiévreusement ses préparatifs. Puis brusquement, pendant la nuit du 7 au 8 Novembre, les canons de la Marine de Vichy ouvrent le feu à Casablanca, à Oran et à Alger. La libération commence. Le débarquement est en cours.
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Au Maroc, le Général Béthouart commandant la Division de Casablanca est le chef de la Résistance, son intention est de convaincre le Général Noguès d'accueillir les Américains et en cas de refus de s'assurer de sa personne et de la Résidence avec le concours du Régiment d'Infanterie Coloniale du Maroc que commande le Colonel Magnan. Il est assisté du Contrôleur Civil Gromand qui doit prendre en main la direction des services de la Résidence. Mais surpris par l'imminence d'un événement qu'il ne pensait pas si proche, le Général Béthouart n'a pu s'assurer le concours des groupes civils de la Résistance dont certains, tels que le groupe Valabregue, sont armés et pourraient avoir une influence décisive. Quoiqu'il en soit, le Général Béthouart exécute son plan : il écrit au Général Noguès pour lui demander d'accepter le fait accompli, fait cerner la Résidence et donne aux troupes l'ordre d'accueillir les Américains. Mais toutes les communications téléphoniques n'ont pas été interceptées. Le Général Noguès peut prendre des contre-mesures pour s'opposer aux Alliés et maîtriser la Résistance. Bientôt même, à 8 h du matin, il fera arrêter le Général Béthouart et ses principaux collaborateurs, Gromand, le Colonel Magnan, Boniface, Dimari, de Kéraoul, de Marcilly et les frères Guillaume. Ils seront aussitôt inculpés et traduits devant la Cour Martiale. Pendant trois jours, les troupes du Maroc seront aux prises avec les Américains dans de rudes combats.
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A Oran, le plan de la Résistance consiste à s'emparer des transmissions et à neutraliser les autorités et les éléments pour l'action combinée de certains Corps de Troupe et de groupes de patriotes civils. L'organisation est prête depuis de longs mois, mais le Colonel Tostain, chef de la Résistance, mis en difficulté par défection du Colonel commandant la Brigade Légère Mécanique sur le concours duquel il pensait pouvoir compter, se décide finalement à informer le Général commandant la Division d'Oran, espérant le décider à recevoir amicalement les Américains. Cette démarche échoue et découvre en même temps la Résistance qui ne peut dès lors intervenir qu'avec une efficacité restreinte. Comme au Maroc, pendant trois jours on livrera de sanglants combats aux Alliés. Cependant dans le Sud, le Sous-Préfet Charles Luizet entraîne Tiaret dans la dissidence mais il est révoqué le lendemain, à la demande du Préfet Boujard
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A Alger, l'action de la Résistance devait réussir. Et c'est heureux pour la France, car cette ville est le siège du Haut-Commandement en Afrique du Nord, qui, conformiste, s'opposerait aux Alliés comme il l'a montré et qui, laissé libre d'agir ne manquerait pas de les rejeter à la mer et se trouverait inéluctablement entraîné à les combattre sur toute l'étendue du théâtre d'opérations avec l'appui des Allemands. Les Américains reconnaissent, certes, l'importance de cet objectif, centre nerveux de la défense, mais ils redoutent d'affronter en Méditerranée le danger sous-marin et s'ils consentent finalement à débarquer à Alger, ils n'y consacrent, les événements l'ont montré, que les forces réduites qui auraient été facilement refoulés si les patriotes n'étaient parvenus à neutraliser le Haut-Commandement vichyste. Or cette neutralisation devait être difficile à réaliser en raison même de la multiplicité des éléments à contrôler. Sont en effet réunis à Alger les Haut-Commandements Terrestres Navals et Aériens de l'Afrique du Nord et de l'Algérie, des Organes de Coordination Impériale, les Hautes Autorités Civiles de la Colonie, l'Amiral Darlan lui-même, venu au chevet de son fils malade. Pour les seules transmissions, dix grands centraux doivent être occupés. Stationnent dans cette capitale, une vingtaine d'États-majors et de nombreux Corps de Troupes dont un Régiment Blindé et de forts contingents de Gardes Mobiles. Mais si l'entreprise est difficile, la Résistance dispose d'atouts très sérieux. Le Général Mast, Délégué du Général Giraud est Commandant d'Armes d'Alger, il a auprès de lui le Lieutenant-Colonel Jousse Major de garnison, affecté là, en disgrâce depuis quelques semaines. D'autre part, le groupe de Résistants a pu se ménager de nombreuses intelligences et des moyens d'actions efficaces. Van Hecke, d'Astier, et Rigault ont fait de grands efforts pour préparer cette action et si José Aboulker n'a pu fédérer effectivement tous les groupes de choc il a pris des liaisons suffisantes pour réunir en un faisceau, le moment venu, toutes les bonnes volontés qui s'offrent. Les Américains prévoient de débarquer à partir de deux heures du matin simultanément dans le port et sur des plages situées aux environs d'Alger. Mais leurs dispositions ne sont pas suffisamment modelées sur les possibilités de la Résistance et restent trop inspirées des seules considérations tactiques habituelles aux militaires. Débarquer, en effet, comme ils prétendent le faire dans le port d'Alger est évidemment souhaitable mais la Résistance ne pourra, on le sait, assurer le contrôle préalable de la défense immédiate du port. Quant aux plages choisies pour la mise à terre, le gros des forces débarquera à Sidi-Ferruch, c'est-à-dire à quelque trente kilomètres d'Alger ce qui entraînera une intervention trop tardive des forces Alliées dépourvues de moyens mécaniques. Cependant, circonstance heureuse, la défense du littoral de Sidi-Ferruch est commandée par un patriote, le Colonel Baril, ancien chef du Deuxième Bureau de l'E.M.A. qui a été écarté pour avoir osé dénoncer dans un rapport officiel la politique de collaboration. Le Colonel Baril a pu entraîner quelques Officiers de son Régiment, en particulier le Capitaine Fournet et le Lieutenant Laporte. Ainsi, les Alliés seront accueillis à Sidi-Ferruch pendant que la Résistance s'efforcera de neutraliser le Commandement et les forces militaires d'Alger. A l'inverse de ce que nous avons vu au Maroc et à Oran, la Résistance algéroise ne compte pas sur le concours des forces militaires disciplinées, elles sont en effet, aux ordres de chefs esclaves de leurs consignes et le mieux qu'on puisse espérer est de les maintenir inactives en rendant impossible l'exercice du Commandement. Le plan d'action de la Résistance a été établi dès Mars 1942 par Jousse, arrêté finalement à la fin d'Octobre en accord avec Van Hecke et d'Astier après inventaire des forces disponibles. Ces dernières sont constituées essentiellement par des volontaires civils et des éléments des Chantiers. Ce plan règle, en particulier, l'organisation du Commandement, la répartition des missions et des forces, les conditions d'exécution, les liaisons et transmissions et les moyens de transport. On exploite bien entendu toutes les lacunes du plan de protection d'Alger qui est d'ailleurs en cours de remaniement. Aux volontaires civils Légionnaires qui, selon des dispositions de ce plan, doivent participer éventuellement aux services d'ordre en gardant les points sensibles, on substitue des patriotes, qui, le moment venu, avec des ordres réguliers du Major de garnison relèveront les postes militaires ou occuperont les organes qu'on veut contrôler. Ainsi, à l'heure dite, tous les moyens de Commandement pourront régulièrement passer aux mains des patriotes sans la moindre effusion de sang. On peut d'ailleurs compter sur la Police d'Alger, dont les sympathies pour la Résistance sont connues et qui sera facilement entraînée par l'ancien sous-directeur de la Sûreté Générale, Bringard et les Commissaires Esquerre et Achiary. D'autre part, Henri d'Astier assisté de ses Lieutenants, en particulier de José Aboulker et de Beyler, a préparé la mobilisation de la plupart des groupes de volontaires, mais il s'agit maintenant de monter l'opération et de régler tous les problèmes qu'elle pose. L'armement promis par les Américains n'est pas arrivé, il sera remplacé par des fusils qu'a pu faire stocker le Major de garnison. Quant aux moyens de transport ils seront fournis par deux garagistes Veuve et Lavaysse, mais là encore il faut réaliser un vrai tour de force pour mettre en état, sans attirer l'attention, tous ces véhicules immobilisés depuis de longs mois. La neutralisation du Central Militaire dont l'insuccès risquerait de faire échouer toute entreprise, est aussi l'objet des études les plus minutieuses et des dispositions les plus précieuses sont arrêtées pour y parvenir avec une absolue certitude. Couverts ou guidés par le Général Mast, ces préparatifs sont poursuivis dans le plus grand secret mais, bientôt tous les risques d'indiscrétion doivent être acceptés. C'est ainsi qu'au cours des deux derniers jours, Jousse, qui a pris finalement la direction des actions paramilitaires à Alger, réunit à deux reprises avec d'Astier et José Aboulker, les chefs de groupes, pour donner les instructions nécessaires, remettre les ordres de mission et distribuer les brassards de volontaires de Place. L'immeuble situé au 26 de la Rue Michelet, devient ainsi le siège d'une activité si insolite, que dans la soirée du 7 Novembre plus de 300 personnes sont réunies dans les appartements du Docteur Henri Aboulker et de Jacques Brunel et que des inspecteurs de la Sûreté sont envoyés pour enquêter. Ils seront arrêtés et retenus. Enfin, le 8 Novembre à 0 h 30, le signal du départ est donné aux chefs de groupes rassemblés au garage Lavaysse pour y recevoir les moyens de transports, l'armement et les dernières indications. C'est une minute émouvante. En un clin d'oeil, toutes les voitures démarrent et bruyamment foncent à travers la ville qui s'est endormie en paix ce Samedi soir, après la fin des spectacles. Depuis la tombée de la nuit, la flotte Alliée qui défilait vers l'Est à une cinquantaine de milles de la côte a viré vers le Sud. Elle est maintenant toute proche, on la suit par radio. Avec décision, les patriotes agissent rapidement et en une heure toute la ville passe entre leurs mains à l'exception du port. Les autorités sont arrêtées, les communications bloquées. La Résistance installe son Poste de Commandement au Commissariat Central, qui par l'intermédiaire du réseau de la Police, sera en liaison avec tous les groupes qui tiennent les points sensibles. Les postes militaires ont rejoint leurs casernes respectives et les Corps de Troupe ont reçu les ordres du Général Mast qui prescrivent d'accueillir les Alliés. Un grand silence règne dans la ville déserte; Mr Murphy confère avec le Commandant en Chef gardé par les patriotes; il voudrait le convaincre d'accueillir les Alliés; mais le Commandant en Chef se récuse, c'est à l'Amiral Darlan, de décider. L'Amiral à son tour refuse à désobéir au Maréchal qui lui, finalement, ordonnera de combattre, selon sans doute, les ordres du Führer. Une fois encore, comme à Mers-El-Kebir, à Dakar, en Syrie et à Madagascar, on se battra pour le Roi de Prusse. A 3 heures, un bâtiment américain force le barrage du port; des escadrilles Alliées survolent la ville, l'artillerie de la Marine ouvre le feu, l'alerte aérienne est donnée, la bataille s'engage. Peu à peu, les rues se remplissent de curieux; Radio-Alger diffuse inlassablement des airs patriotiques et la proclamation du Général Giraud. Des militaires se hâtent vers leurs postes, mais les patriotes tiennent les états-majors et les locaux des principaux services militaires dont ils interdisent l'entrée en exécution d'ordres parfaitement réguliers qu'ils présentent. Chacun s'interroge, des discussions s'engagent, le désordre est extrême. Mais la position de la Résistance est critique; de nombreuses défections se sont produites et moins de quatre cents volontaires ont répondu à l'appel, si bien que la situation deviendra délicate dès le lever du jour, si les Alliés tardent longtemps. Or, non seulement leur tentative sur le port échoue, mais, trompés par l'obscurité les éléments qui devraient aborder près de la ville vont atterrir avec le gros des forces à Sidi-Ferruch. Il fait encore nuit et déjà des Officiers de l'entourage du Commandant en Chef qui n'ont pu être arrêtés interviennent auprès des Chefs de Corps et les amènent à agir contre les patriotes. Bientôt, submergée par la Garde Mobile et des éléments blindés, la Résistance doit céder du terrain et abandonner au cours de la matinée, les différents points occupés. Cependant, grâce à la Police, le Commissariat Central ne sera évacué qu'au milieu de l'après-midi. Mais de nombreux patriotes sont arrêtés, incarcérés et maltraités. Ils ne disposent d'ailleurs que de vieux fusils Lebel et alors qu'ils observent la consigne impérative d'éviter toute effusion de sang, ils essuient même le feu des canons de la Marine. On compte des victimes. Le Lieutenant Jean Dreyfus est tué lâchement à son poste qu'il refuse de quitter. Le Capitaine Pillafort, d'une bravoure légendaire et qui a joué un rôle considérable au cours de cette journée, est abattu sauvagement dans l'après-midi alors qu'il s'efforçait de bloquer la circulation pour retarder les mouvements de troupes.
Qu'il nous soit permis de rendre ici un hommage à tous ces patriotes d'Alger, qui en ce jour du 8 Novembre 1942 ont accepté volontairement les plus grands risques pour que la France vive.
Mais accueillis à Sidi-Ferruch par le Général Mast et le Colonel Baril, les Alliés se rapprochent d'Alger. Un Bataillon Colonial qui couvre la ville face à cette direction cesse le feu sur l'intervention risquée de Jousse et de Lemaigre-Dubreuil. Le Commandement vichyste, en proie à la panique, s'est réfugié au Fort de l'Empereur, incapable de rétablir l'ordre dans la confusion créée par la Résistance. Il craint aussi la désobéissance de la troupe qui a été sensible à l'action des patriotes et qui répugne visiblement à combattre les Alliés. Un peu avant 18 h, des mortiers américains tirent quelques coups à proximité du Fort de l'Empereur. Une bombe explose sur un dépôt d'essence. On crie : - Hissez… Drapeau blanc ! et : - Cessez le feu ! Une sonnerie retentit, le combat a cessé. L'Amiral Darlan demande une suspension d'armes qui sera signée au cours de la nuit. Le lendemain, les Américains entrent dans la ville et sont acclamés par la foule.Ci-après ceux dont les noms ne figurent pas dans le présent récit et qui ont exécuté une mission particulière ou assumé un commandement important :
Abbé Cordier; Aboulker Raphaël et Stéphane, Barre Béraud, Cdt Bouly, Colonel Cdt Suhard, Chesnais, Chiche José, Chopard-Lallier, Cdt Cohen Addad, Cohen André El Ghrabi; Fabiani ; Fournet ; Capitaine Gamschn Homo ; Cdt Imbert Laporte ; Capitaine Lentalli, Libine, Loffrédo, Loufrani,Marnat, Merklen, Mesguish, Muschielli, Pauphilet, Pillier, Poncin, Rager, Sabatier, Schmitt, Simian, Jacques Zurcher
Cependant, le Général Giraud n'est pas arrivé le 7 Novembre comme il était prévu et au lieu de rejoindre directement Alger en sous-marin, il s'est rendu à Gibraltar. Il sera encore attendu vainement toute la journée du 8 par le Général de Montsabert, qui a pu occuper le terrain d'aviation de Blida malgré l'opposition du Commandant de la base. L'absence du Général Giraud aura ainsi permis au Commandement vichyste de se réinstaller. D'ailleurs, si les combats ont cessé à Alger, la lutte continue sévère en Oranie et au Maroc. Bien plus, les Allemands débarquent sans opposition dans la Régence et occupent la capitale, Tunis, abandonnée par le Commandement Français, bien qu'il dispose de forces supérieures à celles de l'ennemi. C'est alors que le Général Clarck arrive à Alger avec pleins pouvoirs pour régler la situation. Le Haut-Commandement vichyste est aux abois; il a engagé une lutte criminelle qui libère les Américains des engagements qu'ils ont pris envers le "groupe des Cinq" organe directeur de la Résistance nord-africaine. Or, ces engagements souscrits par Mr Murphy au nom du Président des États-Unis, avaient une immense importance. C'était d'abord la confirmation des assurances données antérieurement à diverses reprises concernant la restauration de la France dans sa pleine indépendance, dans toute sa grandeur et dans toute l'étendue qu'elle possédait avant la guerre, aussi bien en Europe que Outre-mer. C'était ensuite la garantie que la souveraineté française serait respectée en cas d'opérations militaires en territoire français, soit dans les colonies, soit dans la Métropole, dans le cas où une collaboration française serait trouvée. C'était aussi la promesse de réaliser un arrangement en vue de donner au Commandement Français, la direction stratégique des opérations militaires à conduire en Afrique du Nord. C'était enfin la concession d'avantages économiques appréciables au (bénéfice de la Loi prêt bail, etc.…). A ces accords, si profitables pour notre pays et négociés en pleine indépendance par les patriotes, se substituent dès lors les exigences de l'Armistice Darlan-Clarck, rançon de la capitulation du Haut-Commandement vichyste. Mais l'opposition aux Alliés eut encore d'autres conséquences funestes. Les Américains comptaient en effet régler la question méditerranéenne au cours de l'hiver puis organiser des bases en Afrique du Nord, pour attaquer l'Italie au printemps 1943 et ce programme se trouva retardé de plusieurs mois. D'autre part, Rommel que les Alliés espéraient détruire en Tripolitaine, put faire sa jonction avec Von Arnin et la Tunisie devint un champ de bataille. Ses populations durent souffrir des horreurs de la guerre et ses grandes villes furent détruites. Notons aussi la flotte livrée à Bizerte. Les pertes navales à Oran et à Casablanca, les destructions dans ces ports. Notons encore les milliers d'hommes tombés dans cette lutte fratricide contre les Alliés et les milliers d'autres sacrifices pour reconquérir la Tunisie livrée à l'ennemi. Enfin l'attitude du Haut-Commandement de l'armée d'Afrique devait avoir de lointaines conséquences qui se répercutent d'ailleurs encore aujourd'hui car s'il consentait finalement à collaborer avec les Alliés et à reprendre la lutte contre l'ennemi il n'en devait pas moins continuer à réprouver l'action de la Résistance, à combattre son esprit et à persécuter ses représentants les plus authentiques.*
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Ultérieurement, la Résistance nord-africaine allait ainsi rencontrer l'opposition des divers pouvoirs qui devaient se succéder en Afrique du Nord. La Raison d'État serait invoquée pour cacher la vérité, tromper l'opinion, innocenter les coupables, écarter la Résistance nord-africaine et lui refuser une reconnaissance officielle. Plus tard, en France, ce refus s'appuierait sur les textes réglementaires édictés pour l'homologation des réseaux de Résistance. Or, ces textes visent essentiellement la Résistance Métropolitaine dont l'action il faut bien le rappeler, s'ébauchait à peine quand celle de la Résistance de l'Afrique du Nord était déjà terminée; ils ont d'ailleurs été établis d'après l'organisation montée en France par le B.C.R.A. organe dont l'action a été nulle en Afrique du Nord avant le débarquement et avec lequel les Résistants de ces territoires n'ont pu avoir le moindre contact utile pendant la clandestinité. Et de même que ces textes reflètent les tendances de l'organisme qui fonctionnait à Londres pendant la guerre, leur application n'a pu se libérer de la réserve qu'il éprouvait pour une Résistance qui lui avait échappé. Voilà ce qui explique sans doute que l'homologation ait été accordée séparément à quelques réseaux ou mouvements de l'Afrique du Nord, mais qu'elle ait refusé systématiquement à l'organisation unifiée de la Résistance elle-même. On ne peut nier cependant l'existence de cette organisation ni contester la valeur de son action, pas plus d'ailleurs que l'importance du rôle qu'elle a joué et des résultats qu'elle a obtenu. Les négociations avec les Américains, la conférence de Cherchell, les accords de Murphy-Giraud et les opérations du 8 Novembre sont en effet des faits historiques qui prouvent indiscutablement l'existence et l'action d'une organisation centralisée de la Résistance nord-africaine. On sait d'ailleurs combien les incidences politiques du débarquement inquiétaient les Gouvernements des États-Unis et de la Grande-Bretagne.
" Ces facteurs, écrit le Général Eisenhower dans ses mémoires - désignant ainsi ces incidences - restaient en fait parmi les grands points d'interrogation de toute l'opération. La France de Vichy était un pays neutre et, durant la guerre, les États-Unis avaient maintenu des rapports diplomatiques avec le Gouvernement Français. Jamais, dans toute leur histoire, les États-Unis n'avaient pris part à une attaque non provoquée, contre un pays neutre et, bien que Vichy collaborât de façon évidente avec Hitler il n'y avait aucun doute que les leaders politiques Américains considéraient l'opération avec une grande appréhension. Non seulement nous tenions absolument à ne pas voir la France s'ajouter à notre liste déjà formidable, d'ennemis, mais nous voulions si possible laisser entendre que nous étions en Afrique sur invitation, plutôt que par force"
Monsieur Murphy avait été depuis longtemps informé par le Président des États-Unis de la possibilité d'une action militaire en Afrique. Avec ses Adjoints non seulement il avait sondé l'opinion publique locale, mais il avait également fait de son mieux pour découvrir parmi les chefs politiques et militaires ceux qui étaient totalement hostiles à l'Axe et n'occupaient leurs postes que par sens du devoir envers la France". Or, non seulement cette Résistance unifiée a contribué puissamment au succès des Alliés en leur livrant par son action paramilitaire, le Haut-Commandement vichyste de l'Afrique du Nord résidant à Alger, mais elle a aidé grandement leur action politique en les appelant à intervenir au nom de la France Africaine et clandestine dont elle était l'expression vivante. Ces faits sont confirmés par divers documents officiels, en particulier par le Protocole d'Anfa, signé par le Président Roosevelt le 24 Janvier 1943, dont le Premier Article est ainsi conçu :
" L'intervention des troupes anglo-américaines, le 8 Novembre 1942 sur le territoire français d'Afrique effectuée sur la demande des Français qui, dès 1940 entendaient reprendre la lutte contre l'Allemagne, a été le premier acte de libération d'une nation opprimée, accomplie par les troupes des Nations-Unies".
Commentaires (1)
- 1. | 28/09/2016
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Date de dernière mise à jour : 03/10/2016
"......Ultérieurement, la Résistance nord-africaine allait ainsi rencontrer l'opposition des divers pouvoirs qui devaient se succéder en Afrique du Nord. La Raison d'État serait invoquée pour cacher la vérité, tromper l'opinion, innocenter les coupables, écarter la Résistance nord-africaine et lui refuser une reconnaissance officielle. Plus tard, en France, ce refus s'appuierait sur les textes réglementaires édictés pour l'homologation des réseaux de Résistance. Or, ces textes visent essentiellement la Résistance Métropolitaine dont l'action il faut bien le rappeler, s'ébauchait à peine quand celle de la Résistance de l'Afrique du Nord était déjà terminée; ils ont d'ailleurs été établis d'après l'organisation montée en France par le B.C.R.A. organe dont l'action a été nulle en Afrique du Nord avant le débarquement et avec lequel les Résistants de ces territoires n'ont pu avoir le moindre contact utile pendant la clandestinité. Et de même que ces textes reflètent les tendances de l'organisme qui fonctionnait à Londres pendant la guerre, leur application n'a pu se libérer de la réserve qu'il éprouvait pour une Résistance qui lui avait échappé. Voilà ce qui explique sans doute que l'homologation ait été accordée séparément à quelques réseaux ou mouvements de l'Afrique du Nord, mais qu'elle ait refusé systématiquement à l'organisation unifiée de la Résistance elle-même. On ne peut nier cependant l'existence de cette organisation ni contester la valeur de son action, pas plus d'ailleurs que l'importance du rôle qu'elle a joué et des résultats qu'elle a obtenu...."
Ce récit a été pioché sur les témoignages du Lieutenant-Colonel JOUSSE, artisan du plan MO (maintien de l’ordre) réalisé par lui en Mars 1941, dans l’intention de neutraliser les services de la police à Alger (favorable à une éventuelle dissidence au profit des Alliés), par un remplacement de volontaires civils récupérés dans les rangs des SOL (service d’ordre des Légionnaires).
Ce projet avait été placé en attente alors que le Généralissime WEYGAND commandait la totalité des forces armées en AFN.
Le Lieutenant-Colonel JOUSSE échappe en avril 1941 à l’arrestation dans l’affaire FAYE, BEAUFRE, LOUSTAUNAU-LACAU (LAMBLIN), DARTOIS, dénoncés par DONNIER de ROSIERE.
C’est au début de l’année 1942 que le Lieutenant-Colonel JOUSSE devient le conseiller militaire du "Groupe des cinq" et qu’il prend la direction de la dissidence fin octobre 1942, huit jours avant le débarquement des Alliés, en entrainant derrière lui des officiers d’active et des officiers de réserve pour attaquer, avec le soutien d’éléments civils rassemblés par des chefs de groupes, la totalité des lieux civils et militaires, dans tout Alger, en neutralisant les plus hautes autorités de l’État..
Au lendemain du 8 novembre 1942, il est menacé, mis aux arrêts de rigueur par le Commandant DORANGE pour insubordination. Il sera déchu de la nationalité française avec tous les dissidents, et, à la demande du Général EISENHOWER, réintégré dans l’armée française avec les autres officiers d’active dissidents.
Il sera expédié aux États Unis comme officier de liaison en rétorsion de son insubordination.
Pendant des années, le Lieutenant-Colonel JOUSSE tiendra rigueur au Général JUIN d’avoir donné l’ordre de combattre les Alliés pendant le débarquement, la presse passera toujours sous silence ses nombreuses interventions publiques lors des commémorations du débarquement organisées par l’Association de la Libération Française du 8 novembre 1942 dont il a été pendant quelques années le président-fondateur.
Ce haut-fait de Résistance contre l’armée française pétainiste du moment, jamais égalé dans toute l’histoire de la résistance en métropole, n’a jamais été reconnu par le CNR comme une Action de Résistance parce que trop humiliante pour TOUS les officiers supérieurs en poste.
Voici ce qu’il écrit dans ses rapports: "....on dit leurs concours indispensables (les officiers supérieurs pétainistes). Ces prétextes invoqués pour masquer l’indulgence ou la faiblesse à l’égard de coupables (les officiers supérieurs pétainistes) que nous MEPRISONS....
...Le comité directeur (CNR) estime que cette participation à l’œuvre de direction, se justifie par l’importance de l’action de la résistance nord-africaine, l’étendue des résultats matériels acquis par elle, pour la libération française...un acte de foi plus qu’un acte de raison...
Et aussi. "... Chef d’État-Major Général de la Défense Nationale (Général JUIN), ce haut dignitaire a sur les mains du sang dont il doit rendre compte ; il a servi Vichy contre son pays... et lancé les troupes contre les patriotes (les résistants)..."
"....Ainsi, en refusant de reconnaître la Résistance Nord-Africaine, non seulement la France rejetterait une page glorieuse de son histoire, mais encore elle désavouerait l’appel lancé en son nom aux États Unis, par cette résistance. Elle tendrait dès lors à se solidariser avec le gouvernement de Vichy et à conférer un caractère d’agression à cette intervention alliée qui fut pourtant le prélude de la Libération Française....
La Résistance Nord-Africaine n’a servi que la France et elle l’a bien servie..."
Enfin...."...Que la justice se soit montrée défaillante au point de laisser les coupables se parer d’une fausse gloire, l’histoire pourra, si bon lui semble, réparer l’erreur des contemporains..."
Henri d’ASTIER DE LA VIGERIE écrit dans son témoignage :...les militaires veulent tirer la couverture sur eux mais c’est nous, les civils, qui ont fait tout le travail. José et moi avons eu toutes les peines du monde à recruter les civils.....
Yves Maxime DANAN, neveu de José ABOULKER, souligne ; "...le cynisme des Alliés qui se sont servis sans vergogne des résistants et ont finalement négocié avec les autorités de Vichy, totalement hostiles à leur action (les résistants).